Le bruit des voitures, la lumière des éclairages et des vitrines, le monde, la ville et sa vie… Autant de choses auxquelles Yi n’est pas encore habituée, parcourant les trottoirs les mains enfoncées dans les poches de son sweater, sa musique sortant à fond de ses écouteurs, le regard concentré sur le sol, évitant le moindre regard. Elle est à ce moment là, bien loin de la jeune femme pleine de confiance en elle qui fera suer plus d’un professeur à l’académie. Cela fait que depuis peu qu’elle a décidé de prendre sa vie en main, de tester les petits plaisirs que celle-ci peut lui offrir. Assez fine, portant un t-shirt noir arborant le logo d’un de ses groupe de rock favoris, un sweater gris, un jean et une paire de basket sans prétention, la seule touche de couleur présente est une mèche rouge sortant timidement, sur le côté de son visage, de ses longs cheveux noirs corbeaux tombant en cascade le long de ses épaules et de son dos.

Elle se dirige en ce moment vers un petit bar qui a récemment ouvert ses portes et semble avoir de bonnes notes et de de bons retours sur les réseaux; “La Soucoupe Volante”. De plus il semble qu’il soit tenue par une femme, un plus pour la jeune femme qui est encore assez effrayé par le sexe opposé. Prendre un verre, ou plus, dans un bar, c’est la prochaine étape de sa liste de trucs à tester, quelque chose d’assez anodin mais qui est une sacré épreuve pour elle, car nécessitant un minimum d’interaction sociale. Son stress commence à monter et elle pense à rebrousser chemin lorsqu’elle arrive devant l’établissement.

Elle n'a pas le courage de rentrer directement et se retrouve plantée devant le bâtiment pendant quelques secondes. Se rendant compte que son comportement pourrait être perçu comme étant étrange, elle se pose sur un mur non loin, cherchant le courage nécessaire pour entrer. Ses joues rougissent alors qu’elle s’imagine un tas de scénario gênant, tout en faisant semblant de faire quelque chose sur son téléphone. Cette scène ridicule dure quelques minutes, puis, finalement, se souvenant de sa promesse faite à elle-même, elle respire un bon coup, retire ses écouteurs qu’elle fourre maladroitement dans son jean, puis pousse la porte du bar. Tout cela en une lancée, ne se laissant pas le temps ou l’occasion de reculer.

La porte se referme derrière elle. La voilà, debout dans l’entrée d’un établissement inconnu, au milieu de visages inconnus, certains se retournant d’ailleurs vers la nouvelle arrivante. Il est encore tôt dans la soirée, le bar n’est donc pas trop peuplé, ce qu’elle aurait pu voir comme un avantage se retourne contre elle lorsque quelques yeux curieux se posent sur elle. Que sont-ils en train de penser d’elle? Sûrement qu’elle n’est pas à sa place, qu’elle est ridicule, ou pire… La gêne monte en elle, elle sent son sang monter au visage et elle sait que c’est sans doute visible, alimentant encore plus son anxiété. Que doit-elle faire maintenant? Aller s’asseoir comme si de rien était? Attendre debout que quelqu’un vienne lui indiquer une place? Aller au bar? Partir? Mais que vont-ils penser d’elle si jamais elle fait ça?!

Cela ne fait qu’une poignée de seconde que la jeune femme est entrée au sein du bar, mais dans sa tête cela fait déjà plusieurs minutes que les clients la dévisage. Si seulement quelqu’un pouvait l’aider, la gérante par exemple! Son regard parcourt la salle mais sans repérer sa sauveteuse. Peut-être est-elle en arrière salle, en train de servir un client, derrière le bar, dans un angle mort ou tout simplement l’avait elle raté à cause de son stress. Dans tous les cas, Yi sent son courage s’étioler à vitesse spectaculaire et ne va peut-être pas tarder à prendre ses jambes à son cou.

Yi sursaute, la gérante qu’elle n'a pas réussi à trouver vient de l’interpeller de derrière le comptoir, l’invitant à se rapprocher. Libérée par l’intervention de la jeune femme, la jeune Yǒng ne se fait pas prier, se rapprochant de son interlocutrice tout en baissant légèrement la tête, voulant éviter encore une fois les regards qui pourraient lui être jetés après sa réaction.

- Bon… Bonjour! Euh…

Elle se rapproche du comptoir et s'assoit sur un petit tabouret étonnement confortable. Elle ne prend toutefois pas le temps d’apprécier son siège ou l’environnement, se concentrant sur la question qu’on venait de lui poser. Qu’est-ce qu’elle lui sert… Bonne question. Merde. Son esprit commence à fumer de nouveau alors qu’elle essaye de se souvenir des photos prises dans le bar qu’elle avait vu sur les réseaux. Fort heureusement sa sauveteuse vient l’aider à nouveau , lui conseillant la spécialité du bar et lui tendant une carte exhaustive de ce que propose celui-ci. C’est à ce moment-là que Yi pose pour la première fois réellement ses yeux sur la gérante; alors que celle-ci est en train d’attacher ses cheveux, se mettant au travail en attendant que sa cliente ne réponde. Son regard s’ancre sur elle, comme hypnotisée, elle est grande, à de longs cheveux bleutés magnifique, elle est jolie et souriante. Comment? Comment faire pour faire comme elle? Elle a toujours vu sa taille comme une faiblesse, en ayant souffert pendant une bonne partie de sa vie et rêve d’avoir le courage de teindre entièrement ses cheveux, ne s’accordant pour l'instant que cette maigre mèche, ou tout simplement le courage de sourire, d’aborder les gens sans avoir peur que cela ne soit mal pris. Elle s’imagine à la place de cette grande femme derrière le bar, souriante, serviable, engageant la discussion comme si de rien était. C’est lorsqu’elle croise son regard avec elle que la jeune Yǒng sort enfin de sa rêverie, se rendant compte du long regard appuyé qu’elle lui avait donné. Craignant que cela soit encore une fois mal interprété elle détourne le regard alors qu’elle sent ce satané sang monter vers ses joues.

- L’ovni… L’ovni c’est bien, merci… euh s’il te plaît…

Même commander un verre elle est incapable de le faire correctement. Elle n’avait d’ailleurs même pas réfléchi à ce qu’elle voulait vraiment boire, répondant juste par réflexe le nom que la gérante lui avait donné, par réflexe, comme un système de défense à sa gêne.

Elle attendra ensuite sagement son verre dans le silence, triturant sa mêche rubis, recroquevillée sur son tabouret, tant, bien entendu, que personne n’engage à nouveau la discussion avec elle. Tout indique qu’elle n’est pas dans son élément, pas à l’aise, certain pouvant même se demander ce qu’elle fait là.

Fort heureusement la gérante n’as pas semblé capter son regard, ou en tout cas ne s’y attarde pas. Cela permet à la jeune femme de se détendre légèrement. Elle observe avec attention la barmaid préparer son verre, les yeux pétillants. “C’est trop classe!” se dit-elle en voyant la gérante rattraper le shaker qu’elle avait lancé dans les airs. Elle avait déjà vu ce genre de gestes en vidéo, mais jamais en vrai, et comme toute représentation, c’en est que plus magnifié lorsqu’on sait qu’il n’y a pas de second essai ou de trucage. Le verre qui lui est présenté est magnifique, luisant d’une magnifique couleur rouge ondulante qui n’est pas sans lui plaire.

En entendant l’évocation des espoirs de la jeune femme en face d’elle de la voir revenir grâce à cette boisson, Yi s’empresse de la goûter, ne voulant pas faire attendre son hôte ni passer pour quelqu’un d’ingrat. Ce qui la frappe en premier c’est le goût sucré des fruits rouges, emplissant son palet, rapidement rattrapé par une sensation plus âpre et de brûlure au plus profond de son gosier, signe du passage de la vodka, puis tel une cerise sur le gâteau, une note de fraîcheur, amenée par la menthe. Un cocktail de qualité qui saurait sans doute ravir les habitués, pour ce qui est de la jeune Yǒng en revanche… Hormis les quelques verres de baijiu qu’elle avait goûté lors des fêtes de fins d’années à Hongwu, elle n’avait quasiment touché à aucun verre d’alcool avant celui-là. Et, même si elle n’a pris qu’une petite gorgée, cela se voit, ses yeux se fermant de manière incontrôlé, son visage se crispant au passage de la boisson le long de sa gorge. Bien qu’elle essaie au mieux de cacher sa réaction, n’importe quelle personne étant passé par là pourra reconnaître la réaction typique d’une personne en contact avec un alcool nouveau.

- Yi… Mon prénom c’est Yi.

Rectifiant directement en précisant que son prénom est bien Yi, celui-ci étant parfois pris pour un oui un peu trop timide. Elle répond directement, n’ayant même pas forcément tiqué ou remarqué le miss, ayant l’habitude qu’on s’adresse à elle comme à une jeune personne. Agnés donc, l’avait percé à jour. Il fallait s’y attendre, elle n’avait pas vraiment fait preuve de confort depuis qu’elle était rentrée dans le bar. Que lui dire? Elle ne pouvait quand même pas lui expliquer qu’elle avait décidé de reprendre sa vie en main après un passage à l'hôpital, qu’elle avait fait une liste de choses à faire et que passer dans un bar était en haut de celle-ci?! Si? Mais quoi dire d’autre? Qu’elle n’est jamais sortie de sa vie avant aujourd’hui? Qu’elle n’a pas d’ami avec qui boire un verre…

Elle réfléchit longuement à la question, jouant avec le liquide dans son verre, le faisant tourner dans un rythme lent et continue, puis finit par arrêter celui-ci d’un mouvement sec, le porte à sa bouche et reprend une gorgée, cette fois-ci un peu plus importante. Sa réaction est encore vive, son visage se crispant de nouveau une fois la gorgée passée. Puis, profitant de la sensation de chaleur passant au sein de son œsophage, répond enfin à la question de la gérante.

- En effet, a vrai dire c’est ma première sortie dans un bar… J’ai toujours été prise par quelque chose, occupée par un projet… Mais il y a peu il y a eu un changement et… Et j’ai décidé de prendre du temps pour moi. Du coup je suis venue ici.

Un petit sourire accompagne ces paroles. Néanmoins, même si elle a tenté d’y mettre de l’enjouement, une pointe d’émotion, de tristesse a pointée à travers celles-ci et le sourire les accompagnant, trahissant que ce changement n’avait peut-être pas été des plus joyeux.

Elle ne sait pas si c’est l’attention qui lui est portée par la gérante, sa gentillesse ou tout simplement l’alcool qui commence doucement à faire effet, mais la jeune élève se détend légèrement, oubliant ne serait-ce qu’un peu la présence des autres clients. Elle sourit timidement en faisant un petit hochement de tête lorsqu’Agnès lui propose de modifier le contenu du prochain verre et acquiesce silencieusement aussi lorsqu’elle lui rappelle que l’alcool n’est pas obligatoire pour être cool.

Est-ce qu’elle a envie d’être… de devenir cool? Est-ce l’image qu’elle renvoie? Peut-être. Peut-être qu’elle veut être vue autrement. En tout cas, elle veut avoir le courage de s’exprimer à sa façon, totalement, dans toute sa splendeur et son ridicule. Si ça c’est être cool, alors ouais, elle veut bien le devenir. Mais elle à raison, ce n’est pas forcément en faisant tout ce qu’elle a mis sur sa liste qu’elle va forcément changer, c’est pas magique. Son idée… Ses idées lui paraissent tout d’un coup un peu idiotes, mais ne lui laissant pas trop dénigrer celles-ci, son interlocutrice reprend, lui demandant ce qu’elle veut faire d’autre. Sa liste est longue, et pleine de trucs gênants. Elle sait qu’elle vient de souhaiter avoir le courage de s’exprimer librement, mais… Peut-être pas là maintenant. Elle reprend une petite gorgée, celle-ci passant bien mieux que les précédentes, juste avant de parler, voyant cet “Ovni” comme une sorte de courage liquide.

- Il y a plein de trucs que j’ai envie de faire, je pense qu’en premier c’est de me mettre au sport, sérieusement je veux dire.

Ses yeux se plantent dans le vide, avec une certaine intensité, comme si elle fixe quelque chose que seule elle est capable de voir, une autre version d'elle-même, une future version d'elle même, forte, musclée, charismatique.

- On est obligé d’en faire à l’académie, mais je veux en faire plus… J’ai toujours rêvé d’être super forte.

Son regard retourne se planter vers la gérante, ses yeux brillant, un large sourire accompagnant ceux-ci alors qu'elle repense à sa coiffure et celle d'Agnés, ainsi que son besoin de s'exprimer, verbalement, mais aussi physiquement.

- Et puis… Me teindre les cheveux aussi, mais pas qu’une mèche! D’ailleurs j’adore tes cheveux c’est naturel?

A la place de la jeune étudiante toute recroquevillée se trouve maintenant une toute autre personne, pétillante, sortant paroles après paroles, sans quasiment émettre de pause, ni laisser de temps à sa pauvre interlocutrice le temps de rebondir, ou de répondre. Comme si le fait de parler de ses envies, de ses passions, de son futur possible l’avait graduellement libérée. Et alors qu’elle s'apprête à reprendre son monologue, un client rentre dans l’établissement. Le courant d’air froid, le bruit de la porte, le bar, les autres. Tout lui revient dans la figure d’un coup, et la petite fille timide reprend sa place, baissant les yeux, les joues rosées, alors qu’elle repense à ce qu’elle vient de dire. Une partie de sa vie qu’elle venait de déballer à une inconnue, et le compliment qu’elle venait de lui faire. A cet instant elle ne souhaite que disparaître, ou trouver un bouton capable de remonter dans le temps. Si seulement c’était ça son pouvoir, au lieu de juste saigner abondamment comme une idiote. Idiote.

Son verre, maintenant vide, est rapidement échangé. La jeune femme remaque en premier lieux le manque d’ondulation dans le verre, puis l’odeur semble moins forte, et au final c’est en le goûtant que ses suspicions se confirment: celui-ci est sans alcool. Ce n’est pas une mais bien deux ou trois rasades qui sont prises, le goût délicieux n’ayant plus de contrecoup brûlant. Mais, cette sensation de chaleur et de légèreté semble lui manquer légèrement, pas assez pour qu’elle demande qu’on lui rajoute de l’alcool dans sa boisson, mais assez pour qu’elle s’imagine en recommander un verre avec. Légèrement perdue dans ses pensées gustatives, elle se fait surprendre par le rapprochement effectué par son interlocutrice. Plus moyen d'échapper à son regard maintenant! Ses yeux se relèvent ne voulant pas donner une impression de chien battu, mais voguent maintenant un peu dans tous les sens. Il lui est bien entendu impossible de maintenir un contact visuel, ne restant que sur les yeux de la gérante qu’une fraction de seconde avant de fuir ailleurs, mais fixer tout autre point du corps de celle-ci la met tout aussi mal à l’aise, ne voulant pas passer pour une meuf bizarre ou pire, une perverse. C’est ainsi que ses yeux voguent, d’un point à un autre, sans but ou destination, de sa boisson, à son interlocutrice en passant par les bouteilles derrière le bar, etc…

Son désarroi ne dure toutefois pas trop longtemps, grâce encore une fois à la barmaid. Elle n’a jamais été très agile, bien loin de là même, mais ce n’est pas non plus quelque chose qu’elle désire forcément atteindre, par contre, savoir se défendre! Elle s’est toujours fait balader à droite à gauche par ses camarades dès qu’elle à commencé à intégrer le cursus public, et même si les pires cas de bully qu’elle a rencontré ne se trouvent pas à l’académie, c’est loin d’être le paradis. Il y a bien entendu des cours visant à s’entraîner au combat là-bas, mais c’est en public. Un entraînement privé, ou tout du moins des conseils venant de cette gentille personne est un départ bien plus confortable pour la jeune femme.

- Ouah, c’est cool ça, que tu t’y connaisse en art-martiaux… Je voudrais bien que tu me montres deux trois trucs à l’occasion, si ça te dérange pas bien entendu…

Elle venait de demander un service à une quasi-inconnue. Elle ne sait pas si c’est l’effet du peu d’alcool qu’elle à bu, son évolution ou le charisme de son interlocutrice, mais elle l’avait fait. Un petit sourire timide perce son visage alors qu’elle se donne une tape mentale sur le dos. “Ouah, la chance!” se dit-elle juste après en entendant la nature de la chevelure de la grande gérante. En entendant la question qui suit, son regard se porte vers son unique mèche teinte, qu’elle prend entre ses doigts, la couleur de celle-ci semble réconforter.

- Comme ma mèche: rouge sang… Le rouge c’est une couleur qui me plaît beaucoup, et qui veut dire aussi beaucoup pour moi… Mais c’est aussi très voyant.

Un petit rire, faible et timide, mais bien présent, accompagne ces derniers mots. C’est la seule chose qui la retient de se teindre les cheveux et même de s’habiller de rouge en entier, le regard des autres. Avec sa taille, la longueur de ses cheveux et cette couleur, elle serait telle un phare dans la nuit, impossible à louper. Peut-être en aurait-elle le courage un jour, dans pas si longtemps, avec de la chance. Elle n’a même pas remarqué le déplacement d’Agnès, trop absorbée dans sa contemplation.

Elle attendra bien entendu les éventuelles réponses de son interlocutrice, ayant bien trop peur de couper la parole et étant de toute façon intéressée par celles-ci. Mais, poussée par sa demande précédente et son léger gain de courage, elle cherchera à prendre ensuite la parole, à poser une question, à lancer la discussion pour une fois. Une chose qu’elle fait rarement et qu’elle espère ne pas rater.

- Du coup… Euh… J’ai vu que le bar à été ouvert il y a pas longtemps… Tu faisais quoi avant?

Une phrase pleine de pause et d’hésitation, la fin perdant en intensité et envoyée en vitesse, comme si elle craignait que cela soit pris comme une agression, comme une infiltration de la vie privée de la gérante.

- Si tu veux pas répondre c’est pas grave.

Une tentative de laisser à son interlocutrice une porte de sortie au cas où elle ne veuille pas répondre, lancée comme ça, sans réfléchir, par pur réflexe. Puis ça la frappe. “Pas grave”. Qui est-elle pour décider ce qui est grave ou non. Bien entendu que ce n’est pas grave si elle ne lui répond pas, pas besoin d’en rajouter, comme si elle avait besoin de son consentement pour se taire…

- Enfin, c’que j’veux dire c’est que p’t’être ma question est idiote et voilà quoi…

Une explication supplémentaire, une énième tentative de réparer une erreur non existante. Elle regarde Agnès avec des yeux de merlans frits, espérant ne pas avoir dit une bêtise ou ne pas être passée pour une trop grosse idiote.

La jeune femme écoute avec attention les diverses réponses qui lui sont données, et prend un petit temps avant de répondre, durant lequel elle intégre celles-ci. Premièrement elle avait accepté de tenter le coup, d’essayer de lui partager ses connaissances en art-martiaux. En entendant son avertissement elle passe une main sur ses avant-bras tout en pensant à son pouvoir et au coût qu’elle doit payer pour pouvoir l’utiliser. Elle n’as peur de se faire mal, nan, plutôt de se ridiculiser! Elle espère avoir le courage d’organiser une rencontre et de venir, de ne pas laisser ça à une idée jetée dans le vent, mais c’est déjà un premier pas. La réponse d’Agnès quant à ses doutes concernant sa coiffure et ses projets de teinte la fait bien rire, plus que sa réaction de base. Sa réponse est franche et plutôt vraie en plus d'être drôle, même si, si elle voulait récupérer sa longueur actuelle après les avoir coupés il lui faudrait sans doute quelques années. C’est quelque chose d’autre qui lui fait peur, la longueur de ses cheveux est une de ses seules fiertés, si elle devait les raser à cause d’une teinture trop voyante ou criarde elle ne sait pas comment elle y survivrait. Une nouvelle fois, sa sauveuse ne la laisse pas se morfondre dans ses doutes, en répondant assez rapidement après qu’elle ait posé sa question, suivit de son charabia angoissé.

Elle relève les yeux de sa boisson en entendant la mention de Tengmen, son interlocutrice viendrait donc d’Hongwu? Dévorée par sa curiosité, elle s'apprête à poser sa question lorsque Agnès enchaîne, complimentant sa cliente. Discuter avec elle est rafraîchissant? Sa seule autre personne lui ayant fait un compliment de la sorte récemment était Elizabteh Chow, sa professeure principale de l’académie, mais comme dit, c’est un compliment d’un prof fait à son élève. Ses joues rougissent légèrement, apportant un léger ton rosé aux pommettes de la demoiselle, relevant son teint, autrement assez pâle. La franchise et la gentillesse dont fait part la gérante de ce bar est encore une fois très bénéfique à la jeune femme qui se sent pousser des ailes lors de cette discussion.

- Merci, c’est agréable de parler avec toi aussi…

Un remerciement suivi d’un compliment qui ne sort pas aussi fort ou franchement qu’elle l’aurait initialement voulu, mais c’est déjà beaucoup pour quelqu’un comme elle, qui à tendance à taire ses pensées ou sentiments. Elle ne se laisse cette fois-ci pas abattre par la gêne ou l’anxiété. Elle finit son verre et enchaîne directement avec la question qui lui brûle la langue.

- Tengmen… Tu viens d’Hongwu du coup? Parce que moi aussi!

Un hasard, une coïncidence heureuse, qui lui permettrait peut-être de se remémorer les bons moments passés au pays. Elle ne garde que peu de bons souvenirs avec son pays natal, la plupart se cantonnant au confort du foyer familial. Depuis son arrivée et son acclimatation à Singapura elle a pu se rendre compte du retard qu’avait le pays qui l’avait vu naître sur énormément de points, l’éloignant petit à petit de l’image idéalisée qu’elle se faisait de celui-ci. Elle lui est donc difficile de voir ce pays comme accueillant, surtout depuis son deuil récent. Toutefois ce n'est peut-être là que sa vision déformé des choses, un point de vue biaisé par des tragédies qui lui sont très personnelle, peut-être que discuter avec une autre native pourrait lui faire changer d’avis, ou tout du moins redorer légèrement l’image de ce pays dans sa tête, ou au contraire, confirmer ses doutes.

Ouah, son interlocutrice vient donc de la capitale! A cause de sa maladie, puis de ses études la jeune Yǒng n’a jamais vraiment eu l’occasion de voyager, ni l’envie d’ailleurs. Aujourd’hui elle regrette un peu de ne jamais s’être rendue à la capitale, sa sœur ne manquant pas de compliment à son égard à chacune de ses visites au sein de cette grande ville. Peut-être profitera-t-elle de sa prochaine visite au pays pour changer cela. En entendant la question de la gérante, son esprit se replonge un peu plus dans son passé, sa maison d’enfance, les plantations de thé alentour, la maison de thé, les sensations, les odeurs. La jeune femme se complait dans ce souvenir, finissant lentement son verre, avant de répondre.

- Ah… De mon côté, je viens d’une petite ville de campagne un peu paumée, Cházhèn dans la région Sud du pays, Shengdi. Ma mère… Ma famille y tient une maison de thé traditionnelle.

Son deuil récent lui revient en pleine figure, la laissant terne, fatiguée. Elle ne répond pas tout de suite à la deuxième partie de la question de son hôte, ne sachant pas si Hongwu lui manque vraiment et n’ayant pas forcément le courage d’y penser immédiatement. Pourquoi avait-elle lancé ce sujet en sachant pertinemment que cela pouvait arriver sur la table? La réalité est que cet échange était si rafraîchissant qu’elle en avait oublié pendant un moment ses souffrances récentes. C’est ce qu’elle cherche après tout, à travers ses expériences, de se changer les idées. Elle écoute les paroles suivantes d’Agnès tout en jouant avec son verre maintenant vide, se demandant si elle ne devrait pas partir maintenant. Non. Mais pourquoi faire? Rentrer et se morfondre seule dans sa chambre? Yi lève les yeux vers la grande femme aux cheveux bleutés et pousse son verre en sa direction.

- Je reveux bien un “ovni” s’il-te-plaît, avec un peu moins d’alcool que le premier si c’est possible.

Son visage est marqué par une certaine tristesse, dû à la nostalgie qu’avait instillée cette conversation, mais celle-ci semble contrecarrée par une conviction nouvelle, celle de vouloir se sortir de ce malaise. Elle compte bien continuer cet échange, parler et discuter avec la gérante, et en tirer quelque chose, de positif elle l’espère. Mais pour cela elle ne dit pas non à un peu de courage liquide.

Elle reprendra la parole peu de temps après sa demande. Les questions que lui avait posé son interlocutrice n’étaient pas facile à décortiquer pour la jeune femme. Est-ce que son pays lui manque? Oui et non. Les souvenirs qu’elle y a construits, sa famille, sa maison; oui, ce sont des choses qu’elle chérit. Mais l’empire, la surveillance constante, l’abandon de son projet par son pays et le mauvais coup qu’ils lui ont fait; Non. Et pourquoi est-elle venue ici? Pour avoir accès aux labos de l’académie afin d’en apprendre plus sur son sang, son pouvoir et peut-être trouver un remède à la maladie de sa mère… Résultat des courses: Échec total. Que fait-elle ici maintenant? Veux-t-elle devenir une super? Veux-t-elle rentrer au pays et reprendre le commerce familial? En vérité elle ne sait pas, c’est que depuis peu qu’elle a décidé de reprendre sa vie en main et elle ne sait pas encore ce qu’elle veut faire, il va sûrement lui falloir du temps avant de le découvrir.

- Je pense que c’est le souvenir que j’en ai qui me manque, pas le pays en lui même… Après être venue ici, je pense qu’il me serait compliqué de retourner vivre à Hongwu, pas dans son état actuel en tout cas. Et je suis venue ici afin d’entrer à l’académie héroïque Wong, mais je suis pas sûre d’avoir ce qu’il faut pour réussir… Et toi, pourquoi avoir quitté le pays natal?

Une réponse sincère, sortie assez naturellement. La jeune femme semble s’être détendue aux cotés de la gérante, sa posture semblant elle aussi plus naturelle, son regard plus calme et moins fuyant. Elle est d'ailleurs aussi heureuse de partager que curieuse d'en apprendre plus sur son interlocutrice, même si elle n'avait pas rebondit ou fait de commentaire sur le passé de celle-ci, il est vrai que de voir une ancienne ingénieure de la capitale d'Hongwu servir des verres à Singapura est assez unique. Si jamais elle à été ou est servie, elle prendra une gorgée de sa boisson en attendant la réponse de la barmaid.

Un large sourire s’était dessiné sur le visage de la jeune femme en entendant que son interlocutrice était amatrice du thé produit de par chez elle. Un sourcil se hausse lorsqu’elle voit la gérante se servir un verre, elle ne sait pas du tout si c’est courant ou non donc elle ne réagit pas trop et laisse le temps à la grande demoiselle aux cheveux bleutés de donner sa réponse.

Celle-ci finit par arriver et surprend l’étudiante par sa brutalité et son honnêteté. Une réponse viscérale sortie d’une traite qui semble indiquer à la jeune femme qu’elle à touché une corde sensible chez Agnès. Elle semble détester ce pays encore plus que la grande rousse, ou en tout cas l’état dans lequel il est. Est-ce qu’elle est vraiment courageuse? Peut-être qu’au début elle l’était, mais plus vraiment ces derniers temps… Elle a après tout tenté l’ultime fuite, celle dont on ne revient pas. Sa main vient une nouvelle fois presser son avant bras. Elle espère et compte bien retrouver le courage qu’elle à perdu mais pour l’instant celle qui semble la plus courageuse ici c’est celle qui se trouve de l’autre côté du bar. Est-ce que c’est seulement possible de changer Hongwu? Elle y a des fois pensé, qu’une fois héroïne reconnue elle pourrait faire quelque chose pour son pays natal, mais c’est toujours resté des rêveries lointaines. Voir cette femme, sans pouvoir, ayant apparement quitté son chez soi, sa position confortable, avec l’ambition de le rendre meilleur, ça lui donne le vertige.

Elle se sent petite devant son interlocutrice et ne sait déjà pas quoi répondre quand celle-ci enchaîne. Son regard reste planté dans celui de la barmaid pendant une poignée de secondes, reconnaissant une certaine tristesse dans celui-ci. Le sien s’embue légèrement, ses sourcils s’inclinent vers l’extérieur et sa mâchoire se crispe alors qu’elle donne sa réponse, quasiment du tac au tac.

- Oui! Après tout, une fois qu’on est partit tout ce qui reste de nous sont des souvenirs… Donc sans ça, il ne reste rien…

Son regard quitte celui d’Agnès s’abaisse vers sa boisson, dont elle prend une large lampée, afin d’aider à avaler cette boule présente dans la gorge. Elle pense que si elle avait dit un mot de plus elle aurait craqué, sa voix se serait brisée mais il fallait qu’elle réponde, comme si c’était vital. Des souvenirs, c’est tout ce qui lui reste, si jamais on lui enlevait ça, ça serait sans doute moins douloureux, mais c’est comme si on tuait une partie d'elle-même. Mais même avec ses souvenirs, elle sait qu’elle ne pourra jamais rentrer à “la maison”, en tout cas pas celle dont elle se souvient.

- J’espère qu’on pourra un jour rentrer chez nous grâce à eux.

Son regard quitte un instant son verre afin de se poser un instant sur son interlocutrice, un sourire timide l’accompagnant. Elle aurait aimé lui donner une réponse plus positive, une promesse plus joyeuse, mais elle n'a pas envie de lui mentir. La réalité c’est qu’elle ne sait pas, elle sait juste qu’aujourd’hui se retrouver dans le salon de thé lui ferait trop mal. Mais en effet, elle espère qu’un jour elle pourra retrouver sa famille et partager un bon repas en se partageant des souvenirs. Son regard retombe vers le comptoir, elle joue avec la rondelle de citron, laissant son jus se déverser sur la paroi intérieure du verre.

- Je ne sais pas si je réussirai à accomplir quoi que ce soit en tant qu’héroïne… mais si jamais j’en ai l’occasion, je ferai tout ce que je peux pour changer Hongwu.

Même si elle ne compte pas forcément réemménager au pays, son père et sa sœur s’y trouvent encore et à chaque nouvelle mesure grignotant les libertés et la vie privée des habitants, Yi s'inquiète pour eux. Elle sait très bien que les aspirations d’une étudiante ratée ne pèsent pas beaucoup dans la balance mais elle ne voulait pas finir sur une note aussi négative. Peut-être que montrer qu’elle n’est pas la seule à être prête à se battre sera suffisant pour lui donner un peu de baume au cœur.

L’idée de boire un verre avec cette toute nouvelle connaissance, rencontrée à Singapura, une fois de retour au pays, lui donne un peu d’espoir, de courage, ce qui l’aide à se lancer. Elle espérait peu en confiant ainsi ses ambitions, si tant est qu’elle peut les appeler ainsi, et encore une fois la réponse de la gérante la surprend. Un remerciement, pour la conversation. Pourquoi? Elle n’avait fait que mettre les pieds dans le plat à aborder des sujets sensibles… Son esprit aurait pu partir en vrille à réfléchir si elle méritait vraiment ce genre de mots gratifiants, mais la façon dont Agnès à exprimé ces remerciements ainsi que le sourire qui les accompagne l'apaise assez rapidement.

- Me… Merci à toi aussi… pour tout.

Merci pour la discussion, l’accueil, les attentions, la boisson… Autant de choses qu’elle essaye de partager via ces quelques mots. Elle envoie en réponse un sourire elle aussi en direction de la barmaid, un peu plus timide, les joues légèrement rosées. Ayant alors levé les yeux de sa boisson, elle remarque enfin ce qui semble être la clôture de l’établissement, le peu de gens encore présents sortant petit à petit. La jeune demoiselle regarde alors son téléphone et écarquille les yeux en voyant l’heure. Il se fait déjà tard, elle n’a pas vu l’heure passer. Ne voulant pas être un poids pour sa nouvelle connaissance elle se met à attaquer son verre plus goulument, en venant à bout au bout de seulement quelques petites minutes. Elle se lève ensuite, moment ou elle sent réellement l’effet de l’alcool. Elle a beau n’avoir bu que peu de substance alcoolisé, son manque d’habitude fait que c’est assez pour qu’elle puisse en ressentir les effets. Se sentant toute chose elle répond assez rapidement et franchement à l’invitation de la gérante.

- Avec plaisir et encore merci pour tout!… Au revoir!

Elle partira sur ces mots, rejoindre le froid de l’extérieur. Ses écouteurs rejoignent rapidement leurs places favorites et ses mains ses poches de sweater agréablement chauffées. Contrairement à l’allée, son regard est cette fois-ci dirigé vers le ciel, cherchant à apercevoir la moindre étoile, sans grand succès, les rues étant déjà illuminées de mille feux. Elle se sent légère en cet instant, grâce à l’alcool mais aussi grâce au moment passé avec Agnès. Elle croit même sentir une pointe de tristesse en se disant que ce moment est maintenant fini, mais se rassure rapidement en repensant à l’invitation de celle-ci. Un large sourire restera affiché sur son visage lors de son chemin, elle a passé un très bon moment, c’était une parfaite nouvelle expérience.