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Astelle DumasVirevolte
# (FB) Tengu à bon portJeu 4 Mai - 4:21



La fumée de leurs cigarettes s’élevait en arabesques sur ce petit coin de rue piétonne.
Contemplant la foule qui se déversait dans les magasins, deux jeunes femmes étaient adossées à une moto. La plus grande était épuisée par cette matinée passée à crapahuter d’un point à l’autre d’Éperial. La plus petite, elle, débordait d’énergie, et envisageait la suite de cette promenade touristique avec un optimisme guilleret.

La Cour Lucrèce s’étendait sous leurs yeux, jalonnée d’enseignes parmi les plus respectables de la cité. Tout autour d’elles, ces immeubles de vieilles briques rouges se sculptaient à la manière d’une vallée pittoresque, à l’extrémité de laquelle, le monument qu’était la Grande Tour Radiophonique se dressait sur le bleu de l’horizon.

(FB) Tengu à bon port Aoh36As

T’as prévu quoi ensuite ? grogna Caroline avec un petit coup d’épaule pour sa comparse.
Un passage à la librairie historique de Malraux, enchaîner sur le marché aux puces, et peut-être profiter de l’occasion pour visiter une ou deux enseignes de Naturia et restocker nos provisions... après quoi, je crois que j’aimerais bien faire un dernier petit tour au hasard et flâner un peu.
La figure de Caroline parut sensiblement s’allonger tandis que son amie lui dictait le programme.
L’air frustré, la délinquante mordit sur le filtre de sa cigarette.
Astelle, nan, j’en peux plus. On a déjà fait ton expo sur les gus des étoiles...
”Les codes de la navigation céleste.”
...ta conférence sur le chocolat dégueulasse...
”Les apports nutritionnels des super-aliments.”
...et puis ton délire-là, avec les trous de hobbit...
”Le projet écologique de fermes verticales.”
...si je dois voir même rien qu'une seule tronche de nerd de plus, je vais craquer.

...son amie semblait avoir arrêté sa décision.
Astelle en eut comme un petit pincement au cœur.
Elles étaient venues ici pour être toutes les deux, et c’était sans doute leur dernière chance de passer du temps ensemble avant qu’elle ne s’en aille pour l’Académie de Saint-Maisigny. Néanmoins, il était vrai qu’avec la tendance de Caroline à ne jamais rien planifier à l’avance, elles se retrouvaient surtout à visiter ce qui l’intéressait elle...
...et leurs intérêts communs se limitaient strictement à la moto sur laquelle elles étaient toutes les deux assises. Un modèle “Kazuya-Adventurer” 1160cm³ – rouge pétant et flambant neuf – qu’Astelle avait choisi sur le conseil de son amie, et qu’elle n’avait d’ailleurs pas encore terminée de payer.

Eh bien, euh... pourquoi tu ne prendrais pas la moto pour faire un tour ? Laisse-moi une heure ou deux pour voir ce que j’ai à voir, et si ça te convient, on peut enchaîner sur un restaurant de burgers et un bowling pour finir en beauté.
J’vais t’éclater.
Ça reste à prouver, marmonna la petite tengu d’un air pincé.

La perspective d’échapper à la visite de la librairie – ainsi qu’à toute opportunité d’enrichissement culturel – semblait ragaillardir Caroline, qui lui arracha les clefs des mains d’un geste vif.

Je t’appelle quand je suis sur le chemin du retour, conclut son amie en éjectant Astelle du siège d’un coup de hanche bien placé.

Mi indignée mi amusée, la jeune métisse contempla sa comparse qui partait en trombe, s'attirant aussitôt un chapelet d’injures de la part d’un passant qu’elle venait de dépasser de trop près ; sans quitter des yeux le doigt d’honneur qui disparaissait à l’horizon, Astelle étouffa un bref soupir.

...essaie de ne pas te faire arrêter, bourrique.


Cet après-midi de shopping se déroula à merveille pour la petite tengu.
La librairie de Malraux abritait des collections de livres anciens et vintages, soigneusement alignés sur des étagères d’époque qui fleuraient bon le vieux bois et le papier. Faisant des folies (à son niveau), Astelle se procura l’édition très modeste d’un célèbre roman révolutionnaire, doté d’un titre parfaitement pompeux. Son achat tenu pressé contre son cœur, c’est toute heureuse qu’elle china pendant une trentaine de minutes à la brocante, en faisant un brin de causette avec les marchands les plus bavards du coin.
Elle procéda ensuite à quelques courses méticuleuses, qui leur permettraient de reprendre la route plus sereinement quand elles se décideraient à quitter Éperial. Les deux amies étant toutes deux pingres et fauchées, une nuit à la belle étoile de temps en temps ne leur faisait pas froid aux yeux... mais la jeune métisse tâchait néanmoins d’avoir toujours le nécessaire sous la main, ne serait-ce que pour faire sa toilette du matin.
   
Son sac de commissions au poing, Astelle étudiait la vitrine d’un magasin de vêtements lorsqu’elle tomba sur une affiche pour le moins singulière, judicieusement placardée sur la porte d’entrée : ”Pour une sélection de vêtements étranges, hors normes et sur mesure pour les individus ayant subi des changements suite au Naraka, dirigez-vous vers l'entrée du sous-sol, côté ruelle''.

La curiosité pétilla un instant dans le petit cerveau d’Astelle.
Caroline n’ayant pas encore fait mine de la contacter, c’était l’occasion d’y jeter un œil ; plutôt deux fois qu’une, car c’était typiquement le genre d’enseigne que son amie risquait de prendre en grippe... comme toutes les boutiques qui ciblaient une clientèle d’humains améliorés, en fait.
La délinquante éprouvait un mépris et une haine instinctive pour l’ensemble des individus dont les pouvoirs s’étaient éveillés à la poussière de Naraka Catana... et si Astelle échappait à sa vindicte, leurs différences tissaient pourtant un écheveau de non-dits et de complications qui empoissaient leur amitié ; pareil à une toile d’araignée.

Ayant distraitement suivi les instructions de l’affiche, la petite tengu parvint bientôt devant la boutique idoine, sobrement nommée : “A Bon Port”.
Et comme de juste, l’écriteau de la porte d’entrée se faisait le plaisir d’en remettre une couche : ''Bienvenue, vous êtes arrivés à bon port''.

Heh.

Ce nom de boutique, c’est une ca-tas-tro-phe, déclara la jeune fille en s’invitant à l’intérieur du magasin, mais le ton piquant de sa remarque était comme démenti par les petites fossettes qui lui creusaient les joues.
L'adolescente arborait un sourire franc, qui dévoilait deux rangées de jolies quenottes blanches.

Sans doute très différente de la clientèle habituelle de l’établissement, Astelle Dumas paraissait jeune de cette façon dont les gens d’Edo font parfois moins que leur âge. Une impression renforcée par la délicatesse de sa silhouette et par son physique menu. Elle préférait ses cheveux courts, dont les mèches cascadaient sur son visage à la manière de délicats rubans de soie noire. Ses grands yeux en amande donnaient l’indice d’un métissage subtil.

Outre sa petite taille, la jeune femme semblait parfaitement ordinaire...
...tant qu’on excluait son regard d’un saisissant rouge rubis, qui, de visu, était le premier témoin de sa métamorphose.

Mais à ce stade, la raison pour laquelle Astelle pourrait avoir besoin de vêtements personnalisés n’était guère apparente. Ses ailes encore invisibles, la petite tengu portait un hoodie au blanc cassé qui avait connu des jours meilleurs (et sans doute connu son lot d’empoignades), une minijupe noire complétée de collants blancs opaques, et des sandalettes au cuir rongé par l’usure et la friction.
Se promenant les mains dans les poches dans la boutique, la jeune fille exsudait comme un air de discrète confiance en soi ; Astelle était le genre d'adolescente capable de converser – sur un pied d’égalité – avec n’importe quel adulte, et qui se ferait rembarrer avec le sourire si on venait à la mettre à la porte comme la petite souillon fauchée qu’elle semblait être.
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# Re: (FB) Tengu à bon portJeu 4 Mai - 6:42

Tengu à bon port

Ft Astelle Dumas
Oh comme les temps avaient changé. Moi, qui avait jadis travailler dans l'un des meilleurs ateliers (de ce que je prétendais tout du moins) de couture de la Francie, j'avais galéré à me trouver ce petit endroit pour me remettre sur pied. Ce n'était qu'un stade temporaire, une simple étape pour mon retour, mais je ne pouvais que soupirer avec les souvenirs de mon passé glorieux et emplis de nostalgie. Ce petit moment alors que le nom d'Armand de Montport était connu de tous! Alors que je terminais les dernières coutures pour mon nouveau chef d'œuvre, je regardais dans mes alentours. Entre les morceaux de tissus, les deux mannequins qui me servaient de modèles et la machine à coudre, j'étais extrêmement serré! Je maugréais un peu, dirigeant une partie de ma frustration vers quelques pensées négatives concernant la qualité de mon environnement.

En vérité, ce n'était pas vraiment la taille de cet atelier qui me déplaisait. Ni même le manque d'équipement haut de gamme ni l'absence de cette clientèle huppée qui avait reconnu mon art. C'était plutôt la place à mes côtés qui était vide... Le manque de cette présence avec qui je pouvais lancer des idées saugrenues, de ses petits commentaires sur les défauts de mes tenues et de ce soutien constant qui me poussait à m'améliorer de jour en jour... Mon soupire était nostalgique, mais également emplis d'une certaine tristesse.

Je prenais un petit moment pour regarder mon travail actuel. Je me caressais doucement les paupières sous mes lunettes. Peut-être que je voyais trop grand et que le public n'était pas encore prêt à ce genre de choses. Pourtant, alors que je regardais tous les nouveaux matériaux que j'avais inventés et tous les croquis épinglés aux murs, j'avais l'impression qu'il y avait une main sur mon épaule. C'était peut-être simplement un signe de fatigue ou de folie, mais je me sentais ragaillardis avec la pensée que... que ce n'était pas simplement mon imagination.

C'était également pour cette raison que je continuais. Je ne pouvais pas abandonner ce rêve, ce but grandiose que nous cherchions à obtenir. Et pour continuer, je devais prendre le monde de la mode avec quelque chose de nouveau! Quelque chose qui représentait les changements dans le monde! C'était la raison d'être de ce petit magasin. Le magasin était peut-être de petite taille, mais c'était son service en ligne qui fonctionnait bien!

Autant dire que j'étais très peu habitué à recevoir des visiteurs qui n'avaient pas un rendez-vous. J'avais même fait un petit sursaut en entendant le carillon annoncer la présence d'un client. En m'appuyant sur ma table de travail, j’énonçais ma présence avant de me lever.

-Je suis avec vous dans quelques instants !


Prenant une boite contenant de nouveaux échantillons de tissus, je me dirigeais vers la section boutique du magasin. Je jetais un regard discret sur le petit miroir qui était accroché à mon mur. Je pouvais y voir mon apparence qui était beaucoup plus décontracté à mon habitude. Je portais une simple chemise blanche avec les manches roulées jusqu'aux coudes, mon paquet de cigarette qui était dans ma poche avant et le manque évident (pour moi dans tous les cas) d'une cravate. Il y avait cependant un ruban à mesurer qui pendait autour de mon cou et une pelote à aiguille qui était autour de mon poignet. Je ne sais pas si mon apparence était une bonne ou une mauvaise chose dans cette situation.

Avec l'élégance d'un boxeur maniant un vase précieux avec ses gants, je laissais tomber la petite boite sur mon comptoir. Je prenais ensuite la peine de regarder la personne ayant eue la curiosité d'entrer ici. Une très jeune fille, je lui donne 16 ans au maximum, qui porte des vêtements qui étaient très usées. C'était plus fort que moi, mon regard portait déjà son jugement et mon cerveau absorbait l'information. Quelque chose d'autre attirait mon attention : ce regard perçant, des yeux rouges et étincelants comme des pierres précieuses.

-Je suis Armand, le propriétaire de la boutique. S'il y a quelque chose qui plait, il ne faut pas hésiter. Je peux aussi faire les retouches, les modifications et changer le matériel des vêtements si besoin.


Je lui laissais le loisir d'explorer la boutique à son rythme. Après tout, plusieurs articles attiraient le regard par leur seule présence. Le meilleur exemple était la gamme de produits ''lampe à lave''. Il était d'ailleurs spécifié que chaque chandail/chapeau possède une autonomie d'environ huit heures et peuvent être rechargés avec le câble d'un téléphone portable. Avec un avertissement que le chandail pouvait être à la fois un peu chaud au contact avec la peau, bien entendu.

Chandails qui changent de couleur selon sa température corporelle, pantalons avec poches aimantés pour éviter de perdre sa monnaie, manteaux de pluie extrêmement flexibles... Plus on passe du temps à regarder les articles présenter, tout semblait de plus en plus illogique. J'avais parfois l'impression que ce magasin était en fait une boutique à curiosité plutôt qu'un vrai magasin de vêtement. Mais pour laisser un impact sur les visiteurs, il n'y avait pas mieux !
Armand de Montport
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# Re: (FB) Tengu à bon portDim 7 Mai - 6:27




Je suis Armand, le propriétaire de la boutique. S'il y a quelque chose qui plait, il ne faut pas hésiter. Je peux aussi faire les retouches, les modifications et changer le matériel des vêtements si besoin.

La petite tengu releva sur Armand un regard pétri de curiosité.
Elle s’était attendue à plus de circonspection de la part du propriétaire de la boutique. Après tout, son allure et son jeune âge brossaient le portrait d’une situation financière peu favorable ; il n’y avait pas grand chose à gagner à se montrer accommodant avec une "cliente" telle qu’Astelle.
En se basant strictement sur son apparence, ç’aurait même été prendre un risque considérable que de laisser cette petite canaille manipuler librement les articles du magasin.
(...quand bien même n’était-il pas courant de voir des voyous se promener avec un sac de commission contenant des produits d’hygiène divers et variés, dont dépassait notamment : des gants de toilette, deux brosses à dent et un gros tube de dentifrice extra-blancheur.
...mais cela expliquait ce sourire éclatant que la jeune fille affichait depuis son entrée en boutique.)

S'il y a quelque chose qui plait, il ne faut pas hésiter.

Oh, eh bien... si vous le suggérez si gentiment : je ne vais pas me gêner, répondit-elle d’une voix malicieuse, tout en sortant de sa poche un flacon de gel hydroalcoolique avec lequel elle se nettoya ostensiblement les mains.
...elle n’aurait pas pu signaler plus clairement son intention de tripoter la marchandise disponible en rayon.
A cet instant, les fossettes qui lui creusaient les joues lui donnaient un petit air comique et avenant.

Astelle était une drôle de petite.
Elle avait manifestement la présence d’esprit de se nettoyer les mains avant de toucher à quoi que ce soit (une simple marque de civilité, qu'on avait aisément tendance à négliger), mais la manière dont elle en avait fait un spectacle laissait planer le doute sur ses intentions. Difficile de dire s’il était question de prévenance ou de provocation. Peut-être même était-ce quelque chose entre les deux. Quelque chose qui lui était propre.
...et si cette jeune fille était bel et bien une délinquante, c’était sans conteste la plus polie des voyous du pays.

Car en dépit de sa petite bouille d’ange, les fréquentations douteuses d’Astelle ne faisaient pas le moindre doute.
L’état de ses vêtements constituait un premier indice, un peu léger, si on considérait la popularité du style streetwear... mais les stigmates sur ses phalanges proximales étaient indubitablement le genre de marques qu’on obtenait en faisant un usage fréquent de ses poings.
Et à voir les rougeurs qui s’étalaient sur le dos de sa main, la dernière échauffourée était plutôt récente.

En conservant cette attitude ambivalente, entre bravade et bienséance, le regard rouge d’Astelle continuait de détailler le propriétaire de la boutique. Tant pour décortiquer sa réaction face à cette petite boutade que pour terminer de se forger une première impression de l’énergumène.

Bien qu’apparemment dérangé dans ses activités professionnelles par une jeunette désargentée (mais dotée d’une hygiène dentaire impeccable), le dénommé Armand faisait l’effort de se montrer affable.
Il n’était pas aisé de se faire une idée de son âge avec cette chevelure platine, qui semblait le vieillir un peu prématurément. Les traits de l’homme étaient quelconques, mais les fines rides situées aux coins de ses lèvres semblaient indiquer un tempérament prompt au sourire. Ses lunettes – qu’un reflet judicieusement placé rendait opaques – contribuaient à lui conférer ce qu’Astelle percevait comme une forme de bonhommie un peu nébuleuse.
Le ruban à mesurer qu’il avait (peut-être) oublié autour de son cou lui donnait d’ailleurs une allure un tantinet loufoque. La bobine d’aiguilles à son poignet et la boîte remplie d’échantillons de tissu qu’il déposait gauchement sur son bureau confirmaient cette impression de l’artisan qu’on aurait surpris en plein travail.

Un drôle d’oiseau, celui-là, se dit la petite tengu au terme de son examen. Et il faut admettre qu’elle était bien mal placée pour se faire cette réflexion au sujet de qui que ce soit, étant donné qu’elle venait de scruter le propriétaire de la boutique avec ce même air fixe et vacant – la tête légèrement penchée de côté – que prennent les pigeons pour observer les passants.

Je m’appelle Astelle Dumas, annonça-t-elle, comme pour conclure ce premier échange, avant de se diriger d’un pas guilleret vers le rayonnage le plus proche.
La déclaration était peu conventionnelle cette fois encore, mais sans doute la jeune métisse préférait-elle qu’on pense à elle en utilisant son nom. Après tout, il aurait été peu judicieux pour le propriétaire de la qualifier de “cliente” tant qu’elle n’aurait pas un sou vaillant en poche.

La sélection est plutôt éclectique, dis donc.
Elle papillonnait au gré de sa curiosité. Sans hésiter, comme elle l’avait annoncé, à manipuler les différents modèles d’exposition. Qu’il s’agisse d’y brancher son téléphone portable pour s’assurer que le produit était réellement fonctionnel, ou de passer les doigts sur ces curieux textiles qui semblaient dotés de propriétés qu’ils n’auraient pas dû posséder.
Ses mimiques étaient particulièrement expressives. Passant de l’émerveillement hilare à la circonspection profonde, Astelle voyait les choses à travers le prisme d’une imagination particulièrement fourmillante, et envisageait déjà les scénarios très atypiques dans lesquels on pourrait faire usage de ces créations hors du commun.
Hey, c’est tout bête, mais j’aime bien le concept des poches aimantées ! lança-t-elle à haute-voix.
Une déclaration logique quand elle venait d’une petite gymnaste ailée qui avait l’habitude de faire des cabrioles, au risque de perdre tout le bric-à-brac que contenait ses poches. Plus logique encore si on prenait en considération qu’en déployant ses ailes, les mains d’Astelle se changeaient également en serres de faucon : un outil remarquablement peu pratique pour manipuler une fermeture-éclair...
Ça ne marcherait pas avec tout, mais...
En nouant une petite bande métallique à l’objet qu’on gardait dans sa poche, on pouvait sans doute corriger ce défaut. Mais dans le cas d’Astelle, qui conservait surtout des balles de baseball dans ses poches, une surface composée d’un matériaux similaire au velcro (qu’on utilisait pour les chaussures à scratch) serait sans doute plus adéquat qu'un aimant.
Elle garda pour elle son commentaire et passa à l’article suivant. Manifestement stimulée par l’excentricité ambiante.

Maintenant qu’elle s’était retournée pour étudier les objets, le profil particulier de la “cliente” devenait plus évident.
Deux petites ailes noires émergeaient au creux de ses reins ; il semble que son sweatshirt avait été éventré d’un coup de couteau sommaire pour leur laisser le passage. La jeune fille portait toutefois un maillot de corps moulant en-dessous, troué lui-aussi, mais qui épousait un peu mieux la forme de ses ailes et faisait en sorte qu’on ne puisse pas voir la peau nue de son dos à travers l’ouverture pratiquée dans le sweatshirt.

Astelle poursuivit son inspection, et ses yeux pétillèrent d’amusement face aux différentes pièces de la collection “lampe à lave”.
On dirait le genre de choses qu’on porte pour le défilé de Miss & Mister Moderna... marmonna-t-elle en touchant pensivement l’étoffe flamboyante. ...j’ai jamais compris pourquoi on voudrait se fringuer comme une grosse ampoule. Sortir comme ça, le soir, c’est un coup à se faire harceler par les insectes.

Au terme de cette première virée à travers les rayonnages, et après s’être assurée d’avoir soigneusement reposé ou replié chacun des produits qu’elle avait pu toucher, la jeune fille décida de s’octroyer une petite pause. Les bras croisés, son expression se fit bientôt méditative...
Maintenant qu’elle en avait fait le tour : elle commençait à se rendre compte que les techniques et l’équipement nécessaires pour l’élaboration de chaque article du magasin semblaient très différents. “A Bon Port” était-il un genre de coopérative ? Un point névralgique qui regrouperait plusieurs vendeurs aux compétences et aux aspirations multiples ?
Elle avait du mal à se représenter le fonctionnement interne et les contacts que pouvaient bien posséder cette toute petite boutique. De quelle technologie, et de quels composants avaient-on besoin pour tisser de pareils vêtements ? Il n’y avait même aucune led apparente sur le pantalon lumineux qu’elle tripotait, ce qui signifiait que le fil lui-même était d’une matière spéciale dont elle n’avait jamais entendu parler.
...il n’était pas étonnant qu’Astelle ignore tout des dernières percées dans le domaine des textiles de synthèse ou des luminaires flexibles, mais la diversité de ces matériaux supposément “de pointe” lui semblait très curieuse. Cela ne cadrait pas avec ce qu’elle savait de la logique de production... Il aurait été normal de produire en masse un matériau innovant, puis de le décliner en plusieurs articles différents. Mais produire un nombre d’articles restreint, en utilisant à chaque fois un matériau de synthèse différent devait supposer un coût de revient monstrueux...

Est-ce que ce sont les restes d’un ancien stock ? Ou une compilation des créations de plusieurs artisans originaux qui n’ont pas su se faire produire en masse, rassemblés ici par un collectionneur excentrique ?

C’était une première hypothèse cohérente, mais les mots du propriétaire lui revinrent bientôt en mémoire...
...et changer le matériel des vêtements si besoin.
...et ces paroles la dirigèrent vers une toute autre conclusion.
C’est vous qui avez fait tout ça ? interrogea la jeune fille en se retournant vers Armand.


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# Re: (FB) Tengu à bon portLun 8 Mai - 23:31

Tengu à bon port

Ft Astelle Dumas
Je devais admettre que je ne pensais pas que la jeune cliente prendrait mon invitation comme occasion pour se laver les mains. Ce n'était pas une mauvaise chose, mais j'étais habitué au contraire : des gens qui manipulent ma marchandise avec des mains qui ne demandent qu'un peu de savon. Mais elle avait déjà ma bénédiction pour regarder les divers vêtements qui se trouvaient ici. Elle me donnait même un nom avant de partir dans une mission de fouille. Avec un sourire, je lui laissais donc la voie libre pour explorer.

-Enchanté, mademoiselle. Je ne serais pas très loin si besoin.


Je retournais vers le comptoir, mais mon cerveau avait déjà enregistré quelque chose. Bien que ce n'était pas mon intention d'espionner ou de zieuter la clientèle, mon regard vif avait déjà fait un constat de l'accoutrement et du physique d'Astelle. J'avais vu les marques d'ouvrage grossier dans les vêtements. Comme si, dans un élan de colère, quelqu'un s'était muni d'un couteau pour tailler le sweatshirt avec une grande malice. Mais je pouvais facilement voir quelle était la raison: deux petites ailes.

Les changements physiques causés par la poudre de Naraka étaient nombreux. Passant d'une peau plus sensible, d'un physique difforme ou de simples ''ajouts'' au corps humain. Et dans un monde dans lequel chaque personne altérée était vu soit comme un monstre, soit comme un héros, j'espérais qu'elle ne connaissait que l'aspect positif de sa transformation. Cependant, voyant déjà ce problème, je me demandais si je ne devrais pas l'interrompre et lui dire que je pouvais faire des modifications plus ''propres''. Mais alors qu'elle s'émerveillait devant certains vêtements, je décidais de ne pas le faire. Je souris déjà en entendant certains de ses commentaires.

Pendant cette exploration de la jeune Dumas, je restais à une bonne distance (pour ne pas être trop loin ni trop près, ce qui n'est absolument pas une chose aisée dans une boutique!) en cas de besoin. J'étais cependant étonné de ne pas avoir de réaction instantané lorsqu'Astelle a commencée à inspecter des objets. Elle semblait tellement absorbée par tout ce qu'elle voyait qu'elle en oubliait de demander le comment et le pourquoi. Comment de tels choses étaient possibles et pourquoi les avoir crée? Et au final, ce n'est qu'après le premier tour qu'elle semblait se poser des questions. Je voyais ensuite une petite étincelle, comme celle d'une ampoule qui s'allume, qui était suivi d'une question simple : Si j'étais responsable de la création de tels objets frôlant la sorcellerie ou la science-fiction.

-Oui, c'est moi qui ai fabriqué ses vêtements. Beaucoup plus simples ceux que j'ai fait auparavant, dans leurs formes, mais avec un peu plus d'imagination. Il faut dire qu'il y a beaucoup de possibilités qui se sont ouvertes à moi.


Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de préciser plus en profondeur mes paroles. La jeune fille semblait assez vive d'esprit pour lire entre les lignes. Encore plus lorsqu'on regarde l'ensemble des créations qui sont à la vue de tous. Et pourtant, ce n'était que la pointe de l'iceberg. Alors que je travaillais comme un savant fou à pousser les limites du possible, je n'avais pas réussi à concrétiser l'ensemble de mes idées. Certains matériaux ne réagissent pas nécessairement comme je le désire : c'était ici un énorme problème. La grande majorité de mes tentatives étaient dans cette boite d'échantillons que j'avais laissé choir il y a déjà quelques minutes. Échantillons fonctionnels, mais sans que je leur trouve une application. Et avec un peu de chance et une bonne idée, un nouveau produit rejoint les produits de ce magasin.

Ironiquement, on pourrait même dire que c'est ma collection actuelle...

Malgré un manque flagrant de fil conducteur entre mes pièces, j'avais malgré une certaine fierté dans ce que j'avais créé ici. Chacune de ses pièces étaient faites avec un nouveau processus créatif. Je testais les limites de ce que je pouvais et ne pouvais pas faire. Et avec mes nouvelles capacités, je devais me familiariser avec des matériaux qui n'auraient jamais été utilisé dans le monde de la mode. Mais je devais également réfléchir à ce que je désirais réellement faire avec un tel don.

Je n'avais que des fractions de réponses pour le moment... Mais j'avais déjà fait un choix décisif concernant mon avenir. Retrouver ma gloire en tant que grand couturier était un but dans un futur lointain. Mais aujourd'hui, dans le présent, je pouvais faire une différence pour ceux et celles qui avaient développé des pouvoirs ou des attributs nécessitant une nouvelle garde-robe. Ce qui était peut-être la raison pour la visite d'Astelle dans ma boutique. 

-Mais en toute franchise, certaines idées m'ont été données par des clients. Si c'est moi qui ai eu l'idée de créer un fil aimanté, c'est une suggestion qui m'a donné l'idée pour le design. Ma première idée était pour faire des paires de gants...


Avec un léger frissonnement visible, alors que je me remémorais des évènements qui ont conduit à ''L'accident'', je préférais détourner mon attention. D'un mouvement fluide, je prenais l'un de mes calepins contenant des échantillons de tissus. Enfin, ceux-ci étaient bien différents de ce que l'on retrouve en temps normal. Échantillons tous composés de deux matériaux pouvant énormément varié. Ligne à pêche et velours. Métal et peau de serpent. Lycra et sapin... Il y en avait pour tous les goûts et c'était exactement mon but : donner l'embarras du choix aux clients.

-Je trouve parfois plus simple de montrer les matériaux que je possède et laisser aux clients me dire leurs idées et leurs besoins. Surtout avec des individus qui doivent changer de forme physique, qui doivent stabiliser leur propre température ou simplement trouver des vêtements assez grands et extensibles. Si l'offre intéresse, je peux faire du sur mesure ici. Le processus est très rapide.


Je bougeais légèrement le ruban à mesurer qui étaient autour de mon cou. Ce n'était pas une simple décoration, après tout ! Mais avant toute chose, je désirais voir si l'offre intéressais Astelle avant de poursuivre dans les détails.
Armand de Montport
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Astelle DumasVirevolte
# Re: (FB) Tengu à bon portSam 13 Mai - 15:09


”Wesh, il y a une petite caillera dans ta boutique.”


Oui, c'est moi qui ai fabriqué ses vêtements. Beaucoup plus simples ceux que j'ai fait auparavant, dans leurs formes, mais avec un peu plus d'imagination. Il faut dire qu'il y a beaucoup de possibilités qui se sont ouvertes à moi.

L’air méditatif, Astelle acquiesça aux paroles du propriétaire.
Vu la dégaine de la boutique, un pouvoir atypique semble effectivement plus plausible qu’un partenariat avec une usine ou un laboratoire spécialisé.

Sans que son visage ne trahisse le tour médisant que prenaient ses pensées, la petite chipie se rapprocha du comptoir pour étudier le contenu de la boîte d’échantillons.

Avec ces curieux matériaux à portée de main, les capacités d’Armand lui semblaient plus parlantes encore.
Le regard empreint d’une curiosité toute pétillante, la jeune métisse fit rouler entre ses doigts le morceau d’étoffe boisée, qu’on avait doté de l’élasticité d’un autre tissu qu’elle aurait été bien en peine de reconnaître ou de nommer. C’était manifestement du bois... sauf qu’il est aussi mou que mes collants de gymnastique. Heh.

Les quelques notes d’un ricanement mutin égayèrent brièvement le silence de la petite boutique de vêtements.
Vous allez faire quoi avec ça, vendre des bûches pliables ?
Une idée pour le moins absurde, mais qui avait néanmoins le mérite de l’amuser...
Sans se départir du sourire chafouin flottant sur ses lèvres, Astelle huma prudemment la fragrance de résine – à la fois piquante et terreuse – qui émanait de l’échantillon. ...quand bien même se moquait-elle gentiment : des accessoires comme des gants, une cravate ou des chaussettes dotés de telles qualités odoriférantes auraient sûrement leur petit succès auprès d’une clientèle appropriée.
En vérité, certains magasins de luxe proposaient même des sacs ou des montres qui faisaient usage de matériaux 100% naturels tels que l’acajou, l’ardoise blanche ou la céramique.

C’est tout de même assez fou... poursuivit-elle plus calmement en piochant un autre échantillon, qui possédait cette fois-ci une texture semblable à un cuir glacé, doté de peu de souplesse et d’une certaine lourdeur. Sous réserve d’étudier, de se documenter et d’expérimenter suffisamment... il n’y a sans doute rien que vous ne puissiez faire.

La voix d’Astelle s’était faite songeuse.
Nuancée d’une pointe d’admiration, également.
D’une certaine manière, Armand n’avait pour limites que celles de son érudition et de sa créativité. Deux domaines dans lesquels il s’efforçait manifestement de repousser ses limites ; les nombreux vêtements aux propriétés aléatoires qui jonchaient la petite boutique en étaient une preuve flagrante.

Les petits yeux perspicaces de la jeune tengu remontèrent braver les lunettes opaques du tailleur.
Et ses lèvres retinrent de justesse cette observation froidement critique qu’elle s’apprêtait à faire :
Il est surprenant que vous n’ayez pas rencontré davantage de succès, cinq ans après avoir développé un tel pouvoir.
Car la possibilité de se faire tailler des vêtements sur mesures avec des matériaux insolites pourrait intéresser un bon nombre de célébrités... ou de héros. Armé d’un tel don, les opportunités de se forger des connexions solides et de trouver sa place dans l’industrie du textile ne devaient pas manquer
Mais ç’aurait été profondément discourtois d’en faire la remarque, plus encore en considérant l’accueil affable qu’elle avait reçu ; Astelle baissa à nouveau les yeux sur les échantillons, sans permettre à sa langue trop agile de décocher ce trait.

Tâchant de ne pas montrer dans quelle direction déplaisante s’en était allées ses pensées, la jeune fille reprit sur le ton candide de celle qui fait négligemment la conversation.
N’empêche, je me dis parfois qu’avec les pouvoirs : il n’y a pas vraiment de hasards. A croire que certaines personnes développent précisément la capacité dont elles ont besoin... ou un talent qui semble compléter judicieusement leur mode de vie.

C’était son cas aussi.
La dimension psychologique de son pouvoir lui avait lentement permis de se trouver, après cinq ans de tâtonnements fébriles dans l’obscurité, à la recherche de l’ego terne et émoussé d’une jeune fille que tous percevaient comme malléable et atone.
Un ego que le Tengu avait reforgé avec l’acier et le tranchant d’une lame de katana.

M’enfin... ce n’est pas vrai à tous les coups, bien entendu. Une fille de mon école, par exemple, a un pouvoir qui lui confère une immense capacité pulmonaire. Mais n’aimant ni courir, ni nager, ni faire quoi que ce soit de sportif, tout ce à quoi ça lui a servi cette année... c’est de produire des éternuements d’une puissance sonore effroyable. Je ne crois pas qu’elle avait particulièrement besoin d’un truc pareil...

Cette anecdote – quoiqu’un peu incongrue – aurait été appropriée, voire même amusante... si Astelle s’en était tenue là.

...sauf si elle kiffe de voir la morve voler à toute berzingue à travers la salle de classe et s’éclater contre le mur dans une explosion de filaments visqueux, persifla la petite tengu avec un air chafouin. ...mais dans le doute, on va dire que non.

Maintenant que toute bienséance venait de passer par la fenêtre, sacrifiée – manifestement sans le moindre regret – sur l’autel d’un humour un peu équivoque, c’est en tirant une petite langue malicieuse qu’Astelle se laissa rediriger de bon gré vers des sujets plus convenables.
Reprenant un air plus sage, la jeune tengu écouta posément la proposition commerciale du tailleur.

Je trouve parfois plus simple de montrer les matériaux que je possède et laisser aux clients me dire leurs idées et leurs besoins. Surtout avec des individus qui doivent changer de forme physique, qui doivent stabiliser leur propre température ou simplement trouver des vêtements assez grands et extensibles. Si l'offre intéresse, je peux faire du sur mesure ici. Le processus est très rapide.

Ça m’intéresse, dit-elle avec un optimisme qu’on sentait toutefois mesuré. Mais pour être entièrement franche avec vous, vos services sont sûrement très au-dessus de mes moyens.
La jeune fille vint saisir son sweatshirt entre le pouce et l’index, comme pour l’exhiber.
J’ai plutôt l’habitude d’acheter d’occasion. Et vu que j’emménage prochainement à Saint-Maisigny... avec les frais d’installation et les folies que j’ai déjà faites, mes poches sont encore plus vides qu’à l’ordinaire.

En restant raisonnable sur les paramètres de la prestation, un habit sur mesures pouvait facilement coûter entre 250 et 500 goldcoins. Même une fois qu’elle serait bien installée, avec le prix du loyer et le remboursement du crédit de sa moto, ce ne serait pas une somme qu’elle pourrait aisément débourser.
Pourtant, Astelle n’était pas insensible à la proposition.
Autant par curiosité intellectuelle, que par simple coquetterie.
Posséder un vêtement taillé spécifiquement pour elle, qui prendrait en considération les caractéristiques uniques de son corps hybride... avait quelque chose de très séduisant pour cette jeune fille, qui après cinq ans, était déjà très amoureuse de son pouvoir.

Ceci dit, si vous pouvez vous permettre de me consacrer du temps, reprit-elle plus timidement. Peut-être qu’on pourrait quand même en discuter. Faire un devis. Et peut-être que d’ici quelques mois, j’aurais la santé financière suffisante pour me permettre de vous demander une livraison et de vous régler le tout en ligne.

Si Armand acceptait de commencer à travailler sous ces conditions, la petite tengu lui ferait la démonstration de son pouvoir.
Reculant d’un pas, en prenant soin d’évaluer les distances dans l’espace étroit de la boutique, Astelle déploya ses ailes.

"Le Tengu."


Les petites ailes noires crurent dans le dos de la jeune fille, jusqu’à atteindre chacune près d’1m20 d’envergure.
Elles esquissèrent comme un halo couleur-de-nuit autour de sa silhouette menue.

Ses poings se transformèrent également. L’index et le majeur liés ensemble par une croûte blanchâtre et squameuse, comme si la peau se desséchait et se densifiait, en accumulant les écailles, dont sa main fut bientôt recouvertes. Les ongles de ces deux doigts fusionnèrent ensemble dans une griffe longue de deux ou trois centimètres.
L’annulaire et l’auriculaire se regroupèrent de façon similaire, tandis que le pouce se figeait pour former une troisième griffe, complétant la serre de faucon qui affublait la jeune hybride. Et quand bien même le pouce restait-il opposable, même après la transformation, ces doigts rugueux n’étaient manifestement pas adaptés à des manipulations précises ; ils étaient conçus pour saisir et écorcher.

Ayant connus une métamorphose analogue, les pieds de la petite tengu étaient pourvus d’une griffe supplémentaire. Empruntant à la structure de la patte du gallinacé, le talon s’y cambrait pour former le quatrième doigt d’écailles de cette serre hybride, cumulant les atouts de l’homme et du rapace.
Néanmoins, ayant pris du volume, ces pieds étaient maintenant à l’étroit dans les petites sandalettes d’Astelle, et la friction constante des serres kératineuses expliquait le mauvais état des attaches en cuir ; il ne semblait pas pratique d’enfiler ou de retirer ces chaussures une fois la transformation accomplie.

Les changements restants étaient plus mineurs.
Quoique dissimulées sous ses cheveux, ses oreilles s’étaient faites plus rigides. Et bien que ce put être une simple impression, ou un effet d’optique, l’éclat de son regard rubis semblait avoir gagné en intensité.

Je suis une femme-tengu, expliqua Astelle.

L’instant d’avant, elle donnait encore le sentiment d’être légère et évaporée, comme un petit nuage. A faire des commentaires rigolos sur les bûches pliables et les projections de morve supersonique. Mais dorénavant, la jeune femme semblait avoir juste un peu mieux les pieds sur terre. Moins prompte à faire des détours et à laisser vagabonder sa folle imagination.
La concentration qu’elle manifestait sur le sujet en cours de discussion se faisait plus marquée. Et sa façon de regarder son interlocuteur sans ciller, avec cette fixité peu naturelle, contribuait à renforcer l’impression d’animalité qu’elle dégageait désormais.

Commençons par les sandalettes, proposa-t-elle en désignant ses chaussures d’une griffe crochue. Elles sont le meilleur compromis que j’ai pu trouver pour me chausser ou me déchausser rapidement, mais la taille reste inadaptée... trop grandes si j’ai des pieds, mais trop petites quand j’ai des pattes. Je me retrouve souvent à les bazarder n’importe comment avant de me transformer.

Il était même assez fréquent qu’Astelle soit forcée de repasser à l’endroit de sa transformation après coup, parfois plusieurs heures plus tard, à la recherche des sandalettes qu’elle y avait oubliées.
...dans ces circonstances, il était assez incroyable qu’elle n’ait encore jamais perdues ses chaussures.

Surtout que “mes mains” ne me permettent pas de manipuler proprement les objets. Si je veux me chausser, une fois transformée, je ne peux plus me contenter de lacets.

C’était là un problème pour lequel il n’existait pas de solution concrète.
Après sa métamorphose, ses mains perdaient presque toute leur dextérité... et s’il ne s’agissait pas d’objets auxquels elle était particulièrement habituée, ou avec lesquels elle s’était beaucoup entraînée, elle devenait presque incapable de les manipuler.

C’est aussi pour ça que j’aimais bien les poches aimantées de votre veste, vu que je peux difficilement me servir d’une fermeture-éclair quand je suis dans cet état, mais que j’ai toujours plein de trucs dans mes poches expliqua-t-elle posément en sortant une balle de baseball de sa poche.

Laissant un bref instant de répit au couturier pour s’assurer qu’il suivait bien le fil de sa démonstration, la petite tengu poursuivit son exposé.

En ce qui concerne mon sweatshirt... ben, je pense que vous avez remarqué que j’ai dû l’éventrer à coups de couteau pour laisser passer mes ailes... mais à part ça, je dois admettre que je le trouve un peu chaud.

Ce qui n’était pas étonnant, car les plumes possédaient déjà une fonction d’isolant naturel. Il aurait fallu les conserver en permanence à l’air libre... mais parfois, avec le mauvais entourage, prendre cette décision revenait à se coller une cible dans le dos.

La plupart du temps, petites ou grandes, je conserve mes ailes sous mes vêtements pour éviter d’attirer les regards. Je les enroule autour de ma taille. Mais dans les deux cas, elles s’imbibent rapidement de ma transpiration dès que je fais un peu d’exercice... ou s’il fait un peu chaud et que je dois rester longuement assise pour mes leçons.

C’était comme avoir un filet de sueur dans le bas du dos.
En mille fois pire.

Vous saviez que les oiseaux ne transpirent pas ? reprit-elle avec ce petit mouvement de la tête qui évoquait le pigeon. Ils se contentent d’ouvrir le bec pour réguler leur température corporelle. Pour cette raison, ils n’ont pas les fortes odeurs corporelles des humains.

Elle referma une serre sur l’une de ses ailes, comme pour illustrer son propos.

Dans mon cas, c’est plus compliqué. Sous mes plumes, il y a bien de la peau. Même si elle est plus coriace, elle transpire aussi, et imprègne le plumage.
...c’est un point sur lequel je reste assez vigilante ; je m’éponge et nettoie mes ailes à sec plusieurs fois par jour. Ce qui n’est pas toujours évident toute seule, vu qu’elles sont placées entre mes reins.


Cette déclaration n’était pas sans son lot d’implications sinistres. On ne prenait pas un tel réflexe sans entendre un certain nombre de commentaires désobligeants. Vu son âge, Astelle était manifestement encore au collège lorsqu’elle avait développé ses pouvoirs, et c’était dans les premières années, tandis que Moderna toute entière était encore chamboulée, que ces différences avaient été les plus dures à porter.

Quoiqu’il en soit, la jeune tengu ne battit pas d’un cil. Ancrée dans le présent, dans un état où son esprit était le moins enclin aux vagabondages, elle était comme un petit faucon en chasse. Elle ne voyait qu’Armand et ne pensait à rien d’autre qu’à la tâche qu’elle souhaitait mener à bien.

Je crois que j’ai fini, conclut-elle avec le sourire. Est-ce que vous avez des mesures à prendre ou des questions à me poser ?

D’un battement d’ailes à la vigueur mesurée, la petite tengu fit souffler comme un coup de frais dans la boutique. La bourrasque vint secouer les vêtements du propriétaire, ainsi que sa chevelure platine et le ruban à mesurer qu’il conservait autour du cou ; comme si elle avait voulu s’assurer de le réveiller, après cet exposé qui avait traîné en longueur.
L’ombre d’un sourire malicieux plana sur les lèvres d’Astelle.
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# Re: (FB) Tengu à bon portDim 18 Juin - 4:50

Tengu à bon port

Ft Astelle Dumas
La conversation continuait de façon très organique. Dans tous les cas, Astelle semblait bien intéressées par les produits qu'il y avait dans ma boutique. Il y avait peut-être même une pointe de respect dans ses mots alors qu'elle parlait de mes créations, de la réflexion se cachant derrières mes œuvres et du pouvoir qui me permettait de les créer. J'acceptais gracieusement ses commentaires, mais je devais avouer que je ne partageais pas entièrement son avis.

-Il faut dire que j'ai été chanceux...


Je souriais tristement, alors que je revoyais devant moi la scène durant laquelle je voyais un homme enflammé tomber par l'une des fenêtre de mon atelier... Personnellement, les pouvoirs obtenus par le Naraka, c'était un hasard pur et simple. Dans cette optique, j'étais complètement à l'opposé d'Astelle. Ce n'est pas la majorité des gens qui ont développer une capacité qui puisse leur être utile ou qui ne sont pas néfastes contre leur détenteurs.

Heureusement, ce n'était pas toujours des événements tragiques. Et mon expérience était peut-être ''légèrement'' influencé par un traumatisme suivis d'une incarcération. Si Tournecoeur avait obtenu le pouvoir d'un surdéveloppement des poumons pour me crier des bêtises, je serais probablement du même avis que la jeune Astelle. Mais dans mon esprit, une seule chose était claire: de tels pouvoirs étaient vu comme des dons ou comme une malédiction. Il n'y avait pas d'entre deux. La jeune Astelle semblait voir le bon côté de la chose, mais elle semblait avoir des problèmes drastiques avec ses pouvoirs... en ce qui concerne les vêtements ! Mais visant ses craintes concernant la facture, je cherchais à la rassurer.

-Voyons voir ce que je peux faire avant de spéculer sur le prix. Mes prix sont tout à fait honnêtes après tout. Je sais ce que c'est, quitter le logis pour s'installer quelque part ou tout est hors de prix... J'étais probablement dans le plus miteux appartement d'Épérial!


Je lui accordais toute mon attention alors qu'elle prenait place pour changer de forme. Je regardais donc cette transformation, absorbant les informations qui m'étaient gracieusement offertes. Sa nouvelle forme, celle d'un femme-corbeau, possédaient de nombreux traits qui ne se mixe pas facilement avec des vêtements normaux. Astelle savait au moins ce qu'elle désiraient (ou du moins les problèmes qu'elle connaissait). Le nombre de fois que je devais refaire une robe parce que l'une des clientes avait ''oubliée'' de faire part de certaines conditions impossible à découvrir... Mais le cas du Tengu était malgré tout complexe. Il y avait des problèmes avant la transformation et d'autres qui apparaissaient lors de la transformation. Un léger coup de vent, donné par les ailes de la jeune femme, vint me pousser légèrement. Avec une voix basse, je commençais un petit récapitulatif des problèmes que j'avais ciblé.

-Transformation totale, métamorphose des mains et pieds, apparition d'ailes... Je vous avoue que vous me donner un sacré défi! Forme et taille, rien ne reste avec la forme humaine de base... Gestion de la température, contacte entre peau et plume...


Replaçant mes cheveux, ayant été légèrement déplacés lors de cette brise tengutienne, mes mains se dirigeaient ensuite pour saisir mon ruban et mon calepin. Si je voulais prendre des mesures ou poser des questions? La réponse était évidente,

-Je vais probablement faire un mix des des deux. Et je m'excuse en avance si je me perd dans mes pensées pendant que je me creuse la tête...


De façon naturelle, probablement fort professionnel et avec peut-être une certaine grâce, je prenais les mesures dont j'avais besoin. Quelques gestes étaient suffisant pour faire savoir ce dont j'avais besoin : tendre les bras sur les côtés, coller les pieds ensemble, cesser de retenir sa respiration lorsque je prends les mesures au niveau de l'abdomen. Il y avait cependant un sacré contraste entre mes actions et mes paroles. Si mes gestes étaient coordonnées physiquement, c'était un chaos total en ce qui concerne ce qui était verbal. J'étais entre la conversation, la réflexion et l'établissement de ce qui était théoriquement possible de faire avec mes capacités.

-Niveau chaussure, je dois avouer que je n'ai pas une solution sans faille. Je pourrais facilement suggérer une chaussure munie d'une fermeture éclaire sur le côté, ce qui permettrait de le défaire sans perdre de temps. Ou bien des sandales qui puissent aisément être ajustable et potentiellement résister à l'expansion lors de la transformation... Mais lorsqu'on parle de matériaux qui peuvent se réparer automatiquement, j'avoue que mes connaissances sont limitées... Pour éviter de perdre les souliers, peut-être garder la semelle et la partie supérieure en deux parties... Peut-être retenue avec des aimants à faible intensité ? Lors de l'apparition des serres, la semelle se détache. Il suffirait d'une seule sangle pour s'assurer que la semelle reste attacher avec la partie supérieure, qui deviendra un peu comme une sorte de bracelet au niveau de la cheville...


Après avoir écrit les dernières mesures sur mon calepin, je reposais mon ruban sur mes épaules. Inconsciemment, je tentais de nouer le ruban comme s'il s'agissait de l'une de mes cravates. Mais j'arrêtais ce petit manège alors que mon regard se posait sur mes échantillons. Ce n'était pas la première fois que j'entendais un pouvoir qui causait un manque de confort avec la température. La première solution était simple : comprendre quels sont les meilleurs matériaux pour vêtements. Et heureusement, la majorité était très aisée à trouver dans n'importe quelle bonne boutique.

-Pour le sweatshirt, le plus simple serait un matériel qui respire et un qui permet de garder un certain contrôle sur la prise ou perte de chaleur. Pour l'été, je suggère tout simplement du lin. Pour le printemps et automne, coton. Et je peux faire un travail plus propre pour les ouvertures. Le problème n'est pas ce qui est sur le dessus, mais ce qui est dessous.


Je fouillais dans mon petit inventaire de matériel quelque chose de bien particulier. Je ne pouvais peut-être pas trouver la solution parfaite sans que le prix soit exorbitant. Je pouvais cependant trouver un bon compromis qualité/prix. Mes doigts se refermaient donc sur un morceau de tissus que j'avais déjà modifié. Je le tendais donc à Astelle, lui permettant donc d'étudier ce qu'elle tenait en main. C'était comme si on avait une bandelette faite en mousse et en gel.

-Par contre, la petite folie que je peux offrir, c'est de créer un tissu qui restera frais au toucher. Un peu comme les oreillers avec un gel refroidissant, mais dans un vêtement. De cette façon, vous pouvez toujours garder les ailes cachées et minimiser l'entretien. Si ce n'était pas de la situation actuelle, je conseillerais vivement de laisser les ailes déployées. Mais c'est tellement difficile de trouver un endroit calme et sans préjugé de nos jours...


Malgré mes meilleures volontés, je ne pouvais pas faire de magie. Et on ne peut malheureusement pas espérer que le monde ne change en quelques jours. Étant relativement chanceux concernant les changements physiquement, ce n'était pas le cas de tous. Après tout, tant que personne ne me voit travailler, il serait impossible de me distinguer d'une personne ''normale''. Puis soudainement, un détail de la conversation me revenait. Alors que je n'étais plus concentré uniquement sur le problème de vêtement, je me souvenais du nom de cette ville... Celle qui contenait l'académie Marchais. Je devais vérifier quelque chose avec Astelle...

-Si je peux me permettre une indiscrétion... Le déménagement à Saint-Maisigny serait en relation avec l'école faite par l'OIH? Des aspirations pour devenir apprentie-héros dans le futur ? Ou simplement profiter d'un environnement un peu plus... sain ?


Armand de Montport
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# Re: (FB) Tengu à bon portJeu 22 Juin - 19:33



Voyons voir ce que je peux faire avant de spéculer sur le prix. Mes prix sont tout à fait honnêtes après tout. Je sais ce que c'est, quitter le logis pour s'installer quelque part ou tout est hors de prix... J'étais probablement dans le plus miteux appartement d'Épérial!

Se mordant l’intérieur de la joue, Astelle tâcha de s’empêcher de sourire. Elle retint également la petite pique qui lui venait spontanément à l’esprit tandis que le propriétaire prétendait avoir vécu dans ”l’appartement le plus miteux de la ville.”
Ah oui, vraiment ? Et c’est par nostalgie que vous y avez ouvert votre boutique ?
Mais non, elle n’allait pas dire ça. Avec ses manières affables et bienveillantes, Armand de Montport méritait qu’elle fasse un petit effort de correction. Ce qui ne lui était pas évident. Après ces quelques jours de voyage avec Caroline, la jeune métisse était complètement désinhibée.
Une vraie truande.

Néanmoins, en dépit de ces traits d’esprit que la petite pimbêche conservait par-devers elle, la conversation se poursuivait sur une note harmonieuse dans le petit magasin exotique d’Eperial.
L’une et l’autre des deux parties échangeant au propos des spécifications de la tenue à venir, lesquelles semblaient donner du fil à retordre à l’aimable couturier.
Astelle avait déjà eu l’occasion de constater que les physionomies hybrides n’étaient guère courantes, et l’attitude du propriétaire tendait à confirmer cette opinion.

Transformation totale, métamorphose des mains et pieds, apparition d'ailes... Je vous avoue que vous me donner un sacré défi! Forme et taille, rien ne reste avec la forme humaine de base... Gestion de la température, contacte entre peau et plume...

Le tailleur voulut prendre ses mensurations, et quand bien même lui en donna-t-elle l’autorisation, la jeune métisse ne put s’empêcher de suivre le ruban à mesurer d’un regard circonspect. Simple réaction naturelle ; à ce stade de la transformation, le langage corporel d’Astelle respirait une méfiance primitive ; comme un oiseau se fige, muscles tendus, prêt à s’en aller à tire d’ailes au moindre mouvement suspect.

Ayant constaté le petit gabarit de sa cliente d’une série de gestes sûrs et précis, Armand lança son processus créatif.
Non sans s’excuser au préalable de la petite graine de folie qu’il ferait ainsi germer dans la conversation.
...le cliché voulait que les créateurs de mode soient des individus assez fantasques, et Astelle dut admettre qu’il était surprenant de voir à quel point le tailleur collait à ce stéréotype. Faisant mine d’explorer ses pensées, sans plus donner le moindre signe qu’il était encore conscient de la présence de sa jeune cliente, le créateur s’égara en plein soliloque.

Niveau chaussure, je dois avouer que je n'ai pas une solution sans faille. Je pourrais facilement suggérer une chaussure munie d'une fermeture éclaire sur le côté, ce qui permettrait de le défaire sans perdre de temps. Ou bien des sandales qui puissent aisément être ajustable et potentiellement résister à l'expansion lors de la transformation... Mais lorsqu'on parle de matériaux qui peuvent se réparer automatiquement, j'avoue que mes connaissances sont limitées... Pour éviter de perdre les souliers, peut-être garder la semelle et la partie supérieure en deux parties... Peut-être retenue avec des aimants à faible intensité ? Lors de l'apparition des serres, la semelle se détache. Il suffirait d'une seule sangle pour s'assurer que la semelle reste attacher avec la partie supérieure, qui deviendra un peu comme une sorte de bracelet au niveau de la cheville...

Eh bien... voilà un homme avec qui on peut parler chaussures, commenta-t-elle distraitement.
C’était néanmoins curieux. Même les gens qui menaient une vie d’une grande solitude s’empêchaient inconsciemment de penser à haute-voix en présence d’autrui.
Peut-être était-ce là un genre de rituel pour le créateur de mode ?
D’une façon très similaire, la mère d’Astelle était capable de faire abstraction et de s’isoler complètement des gens qui l’entouraient quand elle se consacrait à son art. Presque comme si elle rejetait leur présence.
Mais le processus créatif d’Armand avait quelque chose de moins froid.
Dans ses intonations et ses regards errants, le couturier donnait presque l’impression de chercher l’approbation d’un interlocuteur imaginaire. Ses pauses et ses hésitations fugaces donnaient un rythme nostalgique aux élucubrations d’Armand de Montport.
Comme s’il attendait une réponse qui ne viendrait jamais.

Astelle n’était pas bien sûre de comment réagissait le client lambda à ce genre d’exhibition.
Mais de son point de vue à elle, c’était là une charmante démonstration d’excentricité.
Aussi conserva-t-elle un silence attentif et intrigué, tandis que le tailleur passait métaphoriquement dans un autre monde. Immergé dans ses réflexions, lançant ses idées, comme des bulles qui remonteraient à la surface de toute cette ébullition créative. Et après un temps passé à contempler ce processus, à grappiller ces bouts de phrase et ces concepts épars, à les imbriquer ensemble pour leur donner du sens, la jeune fille voulut plonger à son tour.

Depuis toujours, il était dans la nature d’Astelle d’observer, de décortiquer puis de comprendre.

Son regard rouge luisait d’un intérêt ténu.
Les paroles du couturier, qui n’étaient que le sommet de l’iceberg, dévoilaient le catalogue technique qu’il était en train de parcourir par la pensée ; confronté aux différentes problématiques de la conception d’un vêtement pour tengu, Armand parlait de magnétisme, de matériaux à mémoire de formes et de contrôle thermique.
Et ce qu’elle captait de cette immersion dans le monde du couturier lui mettait le sourire aux lèvres.
A un moindre niveau, la jeune métisse avait le sentiment qu’il s’agissait là d’un univers qui pouvait l’enrichir par son contact. Bien sûr, étudier les matériaux synthétiques et naturels, ainsi que les nouvelles technologies ne lui serait pas aussi profitable que cela l’était pour Armand, qui était un artisan doté du pouvoir d’amalgamer la matière, mais elle était certaine que c’étaient là des connaissances qu’elle pourrait mettre à profit dans un futur proche.

Pour le sweatshirt, le plus simple serait un matériel qui respire et un qui permet de garder un certain contrôle sur la prise ou perte de chaleur. Pour l'été, je suggère tout simplement du lin. Pour le printemps et automne, coton. Et je peux faire un travail plus propre pour les ouvertures. Le problème n'est pas ce qui est sur le dessus, mais ce qui est dessous.

Au bout d’un moment, Astelle s’installa souplement sur le comptoir, profitant de la vue que lui dégageait ce perchoir improvisé pour ne rien manquer des déambulations du propriétaire. Ce dernier semblait s’être un peu recentré. Son discours retrouvait petit à petit toute sa cohérence. Peut-être avait-il brassé suffisamment d’idées pour passer à l’action ?

Par contre, la petite folie que je peux offrir, c'est de créer un tissu qui restera frais au toucher. Un peu comme les oreillers avec un gel refroidissant, mais dans un vêtement. De cette façon, vous pouvez toujours garder les ailes cachées et minimiser l'entretien. Si ce n'était pas de la situation actuelle, je conseillerais vivement de laisser les ailes déployées. Mais c'est tellement difficile de trouver un endroit calme et sans préjugé de nos jours...

La jeune fille préleva la bande de tissu rafraîchissante qu’on lui tendait avec un petit air amusé.
J’ai un peu cette image de l’aile de poulet qu’on conserve au frais, songea-t-elle avec un sourire qui creusait une jolie fossette dans sa joue gauche.
Elle fit signe que le matériau lui plaisait, et prêta attention à la suite de son discours.

Il n’avait pas entièrement tort, bien que les actes de discrimination se soient faits moins fréquents, ou cinglants, ces dernières années.
A l’heure actuelle, l’apparence d’Astelle lui posait bien moins de problèmes que son attitude au quotidien. ...ou peut-être était-il plus juste de dire que c’était cet étonnant clivage entre son physique et sa personnalité qui froissait les esprits.
En dépit de tous ses efforts pour se donner un air plus brut-de-décoffrage, pour s’approprier la tenue et les manières des filles de sa bande... il fallait bien admettre que sous la capuche de son hoodie, la jeune fille conservait une allure douce et onctueuse.
Qui s’accordait bien mal à son tempérament explosif.
Car Astelle ne ressemblait à rien de ce qu’elle était vraiment. Et sa singularité s’était faite d’autant plus tranchante qu’elle embrassait pleinement l’animalité intérieure que lui conférait son pouvoir. Ainsi, elle était toujours trop empressée, incapable de rentrer dans le moule, et même présomptueuse.
Constamment en train de chercher à s’élever, même au détriment du confort d’autrui. Et dans la plupart des milieux, un naturel trop atypique vous attirait inévitablement la jalousie, l’incompréhension et le mépris. Elle l’avait constaté partout. Que ce soit à la maison, au lycée, et même dans la rue.
La jeune fille coula un regard terne sur ses phalanges contusionnées.

Si je peux me permettre une indiscrétion... Le déménagement à Saint-Maisigny serait en relation avec l'école faite par l'OIH? Des aspirations pour devenir apprentie-héros dans le futur ? Ou simplement profiter d'un environnement un peu plus... sain ?

Bien vu, confirma-t-elle. Je m’étonne que vous y ayez pensé. Il paraît que je n’ai vraiment pas la tête de l’emploi.
A première vue, peut-être ; la petite edoïte au teint de porcelaine avait des airs de poupée fragile. Mais son attitude, toutefois, démentait franchement cet a priori.
Pourvu qu’on fasse l’effort de regarder ce qu’on avait sous les yeux, et non pas ce qu’on s’attendait à voir, alors Astelle était définitivement aussi haute en couleurs que n’importe quel héros accompli.  
Chez la petite tengu, chaque mot et chaque geste, était éclatant de personnalité.

Au mois de février prochain, je serai étudiante à l’Académie Marchais.

Son sourire se fit canaille.
Pourquoi vous me demandez ça ? Vous faites des forfaits étudiants ? Ou alors, vous vous dites qu’il y a peut-être un coup de pub à tenter ? Vous savez, je suis sûre que je serai exceptionnelle dans le rôle de la femme-sandwich.
Elle ponctua sa plaisanterie en lui tirant la langue ; prouvant une fois de plus qu’elle n’avait vraiment pas cette dernière dans sa poche.

...

Si Armand ne rebondissait pas tout de suite sur la question de l’Académie Marchais, ou si le sujet ne devait pas faire long feu, la jeune fille aborderait ensuite la question du design.
Comme il est peu probable que je puisse me faire fabriquer plusieurs tenues tout de suite, je pense que ça ne serait pas trop mal de reprendre le design de mon hoodie pour commencer. J’ai besoin de quelque chose d’assez passe-partout. Que je puisse porter dehors comme à l’école. S’il ne se déchire pas dès qu’on tire un peu dessus, c’est mieux aussi... vu que vous pouvez partir du principe que je vais le malmener.

A choisir, elle privilégierait d’ailleurs les textiles estivaux, comme le lin, puisque c’était au cours de la saison chaude que les problématiques liées à la transpiration se posaient le plus.
De plus, une étoffe légère lui conviendrait très bien pour la majorité de l’année. Contrairement aux autres, si elle avait un peu froid, elle pouvait se contenter d’enrouler discrètement ses ailes autour de sa taille, sans avoir à se soucier de rajouter une épaisseur de vêtements.

Et pour finir, je préférerais un style sobre, si possible. Peut-être même quelque chose d’un peu élégant... même si c’est pas gagné pour un sweatshirt à capuche, j’avoue. L’important, c’est surtout d’éviter que ça ait l’air trop mignon.
Elle terminerait de lui livrer ces informations sur un air un peu blasé.
Avec son minois, sa personnalité pétrie de folie douce et les petites touches d’humour dont elle parsemait la conversation : il n’était pas difficile d’infantiliser quelqu’un comme Astelle Dumas. Et sa grimace, très éloquente, indiquait ce qu’elle pensait d’un tel comportement :  ça m’casse les couilles.

Astelle Dumas, condamnée à ressembler à un minipouce (la haute-couture ne fera pas de miracles).

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