Cette situation tendait à l'inquiéter au plus haut point ; alors elle la rationnalisait autant que possible, non sans destiner à Sejeong des regards anxieux et alarmés. Elle aurait bien besoin que sa camarade la prenne sous son aile, en cas de situation réellement désastreuse, à première vue... En l'occurrence, tout portait à croire que leurs jours n'étaient pas en danger. Outre le calme plat d'ores et déjà relevé par la Xie, il y avait une autre donnée qui mettrait la puce à l'oreille de Naksoo : ils n'avaient quitté les côtes de Singapura que depuis une courte journée, en tout et pour tout. Impossible, en un si court laps de temps, de rejoindre Antiqua et ses monstrueuses abominations... En d'autres termes, ils ne pouvaient pas être les proies d'une entité aberrante et redoutable ; et si cela avait été le cas, on leur aurait plutôt donné rendez-vous sur le pont, plutôt qu'au réfectoire.
Puisque rien ni personne ne semblait vouloir les aiguiller quant aux troubles qui habitaient dorénavant le navire de guerre à bord duquel ils n'étaient guère plus que des passagers tolérés, les hongwois durent effectivement répondre aux directives des deux héros chargés de les escorter à l'aune de leur toute première expédition. Hell's Lièrén et Jinfa Biyan, donc, les y attendaient, l'air sombre ; et le dernier d'entre eux prit la parole avant même que tout ce beau monde ne se soit complètement immobilisé.
Avant même qu'ils n'aient l'occasion de constater que l'un d'entre eux, et pas des moindres, était aux abonnés absents.





Décontenancés, les héros en herbe échangèrent, pour l'immense majorité d'entre eux, des regards abasourdis ; Cai Yan, perplexe, arqua un sourcil en plantant son regard dans celui de Sejeong, puis dans celui de Meixiu Tan. La demoiselle maniérée, elle-même, avait l'air étrangement blême... Comme si elle avait pris conscience d'un fait étrange, qui aurait pu n'être rien de plus qu'un détail, mais qui revêtait en l'occurrence des atours bien trop suspects... A fortiori lorsqu'on mettait ce détail en relation avec les propos que le héros de platine venait tout juste de tenir.
Wen Meng ne se trouvait pas dans le réfectoire.
En fait, il ne se trouvait même pas dans le dortoir, au moment où Hell's Lièrén était venu les extirper des bras de Morphée avec brusquerie et indélicatesse.
Soucieux de lever le voile du mystère aussi promptement que possible, Jinfa Biyan enchaîna, l'air sombre et la voix grave.



Coup de froid.
Cai Yan, un rictus incompréhensif vissé sur les lèvres, se remémora les propos tenus par Neo, Sasha et Sejeong, la veille, à propos de Saiful ; il résolut l'équation en un clin d'œil, et fut pris de vertiges.
Dandan, horrifiée, n'eut pas tant de présence d'esprit. Elle se contenta de porter une main devant sa bouche, abasourdie et effrayée, comme si elle craignait d'être à tour prise pour cible par celui, ou celle, qui avait été en mesure de malmener l'un de leurs plus puissants camarades sans que nul ne se rende compte de quoi que ce soit.
Xiaodan, impressionné, garda tout commentaire pour lui mais jeta dans la direction de la bande à laquelle il avait refusé de se greffer un regard affûté, comme s'il cherchait à décortiquer la moindre de leurs réactions. Il ne fut pas déçu.
Car cette nouvelle sembla pulvériser Meixiu.

La belle héroïne, rendue fébrile par cette nouvelle fracassante, sembla chanceler un court instant ; son teint soudain exsangue, son souffle court, ses yeux exorbités, tout laissait à entendre qu'elle n'appréciait pas ce qu'on venait tout juste de lui dire. Qu'elle en souffrait, en son corps et en son âme, plus que quiconque. Et ça n'était pas, contrairement à ce qu'on aurait pu croire de prime abord, parce qu'elle entretenait à l'attention de Meng des sentiments doux et authentiques.
Le juron qui lui glissa finalement entre les lèvres, alors que son visage revêtait un masque nettement plus furieux, ne pourrait être capté que par la poignée d'anciens étudiants qui se trouvaient à ses côtés ; parmi lesquels, évidemment, Dandan et Sejeong.



La grande naïve ne releva pas ; sa camarade favorite, elle, aurait sans doute davantage de lucidité quant au destinataire de cette insulte prononcée avec tant de fièvre.



Si personne n'avait la moindre question, les deux médaillés laisseraient aux jeunes pousses l'opportunité de s'en retourner aux dortoirs pour se vêtir et s'apprêter en prévention de cette journée qui s'annonçait plus tumultueuse que celle de la veille ; personne ne s'était attendu à ce que de tels remous les frappent à ce stade de la traversée... et si les hongwois ne parvenaient pas à réfréner leur orgueil, ils n'en étaient probablement qu'au tout début de leurs tourments.

-Nous le saurons bien assez tôt je l’espère. Attendons avant de tirer des conclusions trop hâtives… Dans le meilleur des cas, cela peut être un simple problème technique de machinerie, tenta Sejeong pour rassurer sa camarade de chambre.

Mais un potentiel arrêt du navire pouvait avoir des origines diverses. Un monstre sur la route était bien entendu possible, mais des situations encore pire étaient envisageable. Si Terrafirma était tombé pour X ou Y raison, ou même en quarantaine, la situation de l’expédition pouvait être compromise. Ou encore les moyens de communications de l’avant-poste du monde « moderne » étaient peut être restreint pour une raison tout aussi mystérieuse et le navire entrait tout juste dans le périmètre pour être contacter, et des messages urgents sur la situation pourrait contraindre à faire demi-tour pour rapporter lesdits messages. Beaucoup de scénarios étaient donc possible, certains alarmants, certains relevant de soucis retardant l’arrivée sur Antiqua mais ne mettant pas tout le monde en danger. D’où la volonté de Manwol de recueillir davantage d’informations, sachant que l’absence d’informations de la part des héros serait en soit une information également, et de ne pas se projeter inutilement dans des scénarios arbitraires.

Instinctivement, par réaction naturelle, la meurtrière soupira de soulagement en apprenant que cette convocation était en lien avec une affaire nocturne. C’était donc bien loin des pires scénarios envisageable. Restait donc à savoir en quoi cette affaire risquait de mettre en péril les relations diplomatiques avec Singapura. Quelqu’un était-il mort ? Une affaire à résoudre aurait été intéressante. Imitant ses camarades, Manwol commença à observer le reste de l’assistance, croisant au passage de le regard de Cai Yan qui avait dû la voir être soulagé lorsque la première partie de l’annonce avait été faite. Elle tourna avec lui son regard vers Meixiu Tan et il fut rapidement évident que l’absence de Wen Meng a ses côtés était plus qu’étrange. Il semblait complétement absent en effet. C’était donc lui qui était mort ? Puis vint l’annonce qui l’officialisé. Néanmoins, « grièvement blessé » ? La cultiste arqua un sourcil tout en portant les doigts à son menton pour réfléchir. C’était donc une volonté de passer un message. Quelqu’un voulait-il affirmer sa supériorité sur cet individu ? Dans ce cas le suspect serait tout désigné, surtout qu’avec la réputation de Wen Meng, peu auraient pu venir à bout de lui en combat mis à part un Saiful qui serait certainement le premier suspect venant à l’esprit de beaucoup… Mais n’était-ce pas trop évident ? Il s’agissait peut être du bouc-émissaire visé réellement par cet attaque afin de le mettre lui aussi hors course pour l’expédition. Les deux sommités écartés, cela offrait plus de chances pour d’autres apprentis héros de briller au retour de cette aventure. De plus, Sasha avait déclarer que Saiful ne voulait pas véritablement affirmer sa domination, donc un tel comportement ne semblait pas correspondre à l’idée qu’elle se faisait de la situation. Si Wen Meng avait été neutralisé par un autre moyen qu’un affrontement, comme un produit paralysant ou quelque chose dans le genre, même des individus plus faibles que lui aurait été capable de le passer à tabac une fois ce dernier inoffensif. Mais cela pouvait aussi être en lien avec les héros en charge de cette expédition afin de rompre les relations diplomatiques positives existant entre les deux nations. Cela pouvait bien entendu être aussi une vengeance personnel, mais du point de vue de l’assassine, dans ce cas il serait certainement mort. De plus, si son corps n’a pas été jeté à la mer pour le faire disparaître, cela signifiait soit que la personne ne pouvait pas déplacer le corps, soit elle ne le voulait. C’était volontaire qu’on le retrouve…

-Il faut parler avec les autres au plus vite. Je crois qu’il est important de ne pas aller trop vite en conclusion.

Réagir à chaud pouvait été très dangereux. Certes parfois il était important de répliquer rapidement pour ne pas rater une opportunité ou laisser les choses s’envenimer, mais en l’occurrence il était possible que la personne derrière tous ça chercher justement des réactions émotives sans prises de recul. La perte du meilleur élément de la promotion ne pouvait susciter que peur et crainte au sein de ladite promotion et même ceux ne l’appréciant pas pourraient sombrer dans des comportements problématiques. La réaction de Dandan le démontrait justement. Xiaodan aurait donc tout loisir de voir une Sejeong on ne peut plus pensive, fronçant les sourcils dans le cadre d’une réflexion profonde semblant la déconnecter de la réalité. Le doute l’habitait réellement. Elle finit par tourner le regard en direction de celle dont le monde s’écroulait en un instant.

-Il se défile avant Antiqua, renchérit finalement à voix basse la meurtrière afin de s’accorder à Meixiu, pensant qu’en l’état il valait mieux aller dans son sens plutôt que relever à quelle point cette fille était elle-même une incapable.

D’un geste, elle signifierait à Dandan de ne rien dire de plus. L’explication officiel proposé par Jinfa Biyan provoqua un rictus irrésistible chez Manwol. Elle ne put s’empêcher de retenir plus tôt le rire que cela suscitait chez elle, transformant la première bouffée lâché en toussotement pour se rattraper.  Un individu tel que lui écarté par une blessure dans sa propre douche. Quel mensonge risible et humiliant. Le concerné serait certainement furieux si il apprenait cette excuse, surtout avec son orgueil déjà atteint par la situation… A moins que Saiful soit effectivement l’assaillant et qu’il soit parvenu à le traumatiser à l’extrême. Laissant les premières personnes s’en retourner à leur dortoir, « Sejeong » s’avança vers les héros pour poser une question, une question qui aurait pu déstabiliser encore davantage la promotion.

-J’aurai une seule question. Allez-vous mener une enquête ou taire l’affaire ?

Elle s’attendait à ce qu’on lui réponde par la négative ou qu’ils n’ont pas à lui répondre, ou même que justement dans le cas d’une enquête ils ne devraient pas dévoilés qu’ils en font une. Elle allait certainement se faire réprimander et invectiver de ne pas fouiner. Dans tous les cas, si les héros eux-mêmes envisageaient uniquement que l’agresseur venait de Singapura, il était certain qu’ils veuillent éviter que quiconque l’apprenne.

Une fois sa réponse en poche, la Naksoo se hâterait de se diriger vers Cai Yan. Meixiu était encore trop chamboulé, Dandan également. Il était le plus à même de réfléchir à la situation. Elle avait besoin de confronter ses doutes sur l’identité de l’agresseur à l’opinion d’une autre personne. Il faudrait également qu’elle aille discuter avec Xiaodan de son opinion sur la situation. Suite à leur combat, elle le respectait suffisamment pour considérer son point de vue. En tout cas elle chercherait à s’isoler avec Cai Yan dans le dortoir afin d’exposer tous les arguments réfléchis intérieurement durant l’annonce afin de présenter l’hypothèse que Saiful n’était pas l’agresseur contrairement à ce que tous semblait indiquer. Restait à voir ce qu’il en pensait.

Si chacun n'eut pas la même réaction face à cette nouvelle déconcertante, aucun étudiant hongwois ne put demeurer de marbre. Même ceux qui, à l'instar de Xiaodan, se sentait le moins concerné ne pouvaient pas ignorer que leur sentiment de sécurité venait d'être franchement amenuisé par cet événement. Si le membre le plus prometteur de leur génération se trouvait ainsi mis hors jeu, lors même que l'expédition n'avait pas encore officiellement débuté, combien d'entre eux, au juste, seraient en mesure de s'en sortir en un seul morceau lorsque de véritables menaces pèseraient sur eux ? Parviendraient-ils à compter sur les singapuriens pour assurer leur sécurité, le moment venu ? Ou auraient-ils des réminiscences malignes et vipérines du sort que l'un d'entre eux avait réservé à Meng Wen ?
A moins, bien sûr, qu'il n'ait été éliminé par l'un d'entre eux. Par l'un de ceux qu'il prenait pour ses alliés, voire pour ses serviteurs. Malgré son arrogance, il demeurait un aspirant héros hors-normes à bien des égards. Sur le plan martial, il était supérieur à nombre de ses homologues apprentis. Combien d'entre eux pouvaient, au juste, se targuer d'avoir le dessus sur lui s'ils ne s'en prenaient pas à lui avec à leur compte l'effet de surprise ? La dissimulation était tout un art.
Le blessé lui-même avait-il conscience de l'identité de la personne qui l'avait précipité dans ce triste état ? Il était à peu près évident qu'il n'offrirait pas, dans l'immédiat, la réponse à tout ce bourbier ; si les deux héros hongwois qui les accompagnaient avaient tenu à préciser qu'il allait être, ou avait été exfiltré à la hâte en direction de Terrafirma pour être soigné dans les délais les plus brefs, c'était sans doute qu'il n'était d'ores et déjà plus conscient. Et cela, non plus, ne parvenait pas à tranquilliser les esprits des étudiants les plus impressionnables, à l'instar d'une Dandan qui frôlait la crise de nerfs, ou à l'instar d'une Meixiu Tan qui embrassait une hystérie prévisible, mais sans doute motivée par de bien mauvaises raisons.



Il balada son regard d'un étudiant à l'autre, prenant le temps de les darder avec une relative animosité, puis d'humecter ses lèvres comme pour mâcher ses mots, veiller à ne pas les prononcer trop précipitamment. Ceux qu'il toisait actuellement deviendraient, un jour ou l'autre, s'ils survivaient à Antiqua, des collègues avec lesquels il lui faudrait travailler. Cette pensée, seule, était sans doute tout ce qui le poussait en l'état à ne pas les insulter et à ne pas les rabaisser plus bas que terre.



L'incident était clos.
Purement et simplement.
Hell's Lièrén lui-même opina du chef, a priori pleinement convaincu par la répartie assassine de son compatriote. D'un point de vue extérieur, pourtant, la prise de parole de Jinfa Biyan aurait pu passer pour inutilement dégradante, pour provocatrice, voire même pour insultante... Mais ceux qu'il avait face à lui n'étaient pas exactement constitués normalement. Ils provenaient d'une Académie au sein de laquelle on leur avait toujours enseigné qu'ils n'étaient ni plus ni moins que de la chair à canon. Ils pouvaient bien être plus intéressants que leurs pairs, mieux armés ou plus intelligents... ils n'étaient jamais rien de plus ni de moins que des engrenages. Que des outils au service d'une nation puissante, ambitieuse pour l'avenir. Hongwu ne pouvait pas s'embarrasser de jeunes pousses trop égocentriques. Hongwu ne tolérerait que ceux qui, parmi eux, parviendraient à mettre au rebus leur amour-propre.

Ils croyaient initialement être en sécurité, à bord de ce navire de guerre appartenant à une nation alliée. Ils prenaient dorénavant la mesure d'une réalité crue, cuisante, douloureuse. Cela n'était pas le cas. Cela n'était pas complètement le cas. Parce que leur sécurité ne tenait qu'à un fil : le bon-vouloir de leurs hôtes. Lesquels semblaient infiniment moins indolents qu'ils ne l'envisageaient de prime abord...

Cai Yan ne manquerait pas d'accepter la proposition de Sejeong de s'isoler un petit peu pour converser de ce problème à l'abri des regards. Toutefois troublé, pour ne pas dire complètement hagard, il se contenterait dans un premier temps de lui laisser mener la danse. Sur la retenue, songeur, il ne lui ferait part de ses premières intuitions qu'à condition qu'elle les lui demande ; il allait sans dire que même lui était perturbé par la perspective d'être privé de la présence de Men Weng.

-Merci de votre sincérité, répondit alors la meurtrière à Jinfa Biyan, après avoir hocher la tête plusieurs fois durant sa prise de parole, indiquant clairement qu’elle suivait le raisonnement et était d’accord avec les propos de son interlocuteur.

Répondre aux attentes des supérieures était une qualité importante pour les assassins. Encore plus pour une cultiste comme elle qui suivait avec religiosité les saintes préceptes d’une foi requérant un aussi grand dévouement. Quand bien même sa vision était différente de celle d’une partie de sa famille concernant la voie vers laquelle menait leur culte, l’obéissance à l’autorité supérieure, que ce soit une déité ou Hongwu elle-même, était fondamentale. Les critiques que portaient ces héros envers leur promotion n’était de plus pas dénué de sens, surtout dans une Académie certes très militaire mais absolument pas suffisamment au goût de la cultiste pour en faire de véritable soldats efficaces et dévoués à la cause qu’ils servaient. Beaucoup n’étaient pas prêt à mourir pour cette mission, alors que c’est avec une telle détermination qu’on pouvait en revenir. Accepter la possibilité de mourir était le premier pas pour surmonter les risques de trépas. Se retrouvait tétanisé face à la menace était létal. Un sourire en coin, Manwol décida de déclarer quelques derniers mots avant de s’éloigner.

-Si jamais vous avez besoin de passer quelqu’un d’autre par-dessus bord, n’hésitez pas.

N’hésitez pas à le faire ? À faire appel à quelque comme elle pour les aider ? L’assassine laissait volontairement planer le doute sur cette proposition implicite. Penseraient-ils qu’elle se prenait pour supérieur à ses camarades ? Il était certain qu’à leurs yeux de héros elle ne valait pas mieux que les autres. Elle n’avait pas l’ambition de se hisser dans leur estime. Après tout, elle comptait bien disparaître sur Antiqua, ce qu’il advenait des autres avait peu d’importance. L’avenir de ces deux héros n’avait pas plus d’intérêt à ses yeux que la sienne n’en avait aux leurs.

-Notamment s’il est nécessaire de faire de même entre vous.

Ils étaient les responsables de l’expédition. Cacher une affaire nécessiter simplement d’effacer les traces. D’ailleurs Manwol avait déjà acquis la certitude, grâce à cette réponse, que Meng était mort. Si ce n’était pas son assaillant, c’était l’un des deux héros qui avait dû le faire. Néanmoins, si quelque chose éclatait au grand jour, ce serait à eux de mourir pour assumer leurs responsabilités et épargner un conflit diplomatique. La vie des héros avaient plus de valeur que la chair à canon académique, mais ils étaient eux aussi des pions, une chair à canon de luxe. Cela pouvait être pour eux aussi leur dernier voyage vers Antiqua.

Se retrouvant finalement seul avec Cai Yan, Manwol invita son camarade à s’asseoir.

-Je vais te dire ce que j’en pense et tu pourras me répondre après… Saiful est le suspect idéal, mais trop idéal. Jusqu’à maintenant, tous les éléments semblent indiquer pointer vers la possibilité qu’éclate une altercation entre eux. Néanmoins, j’ai acquis une certitude grâce aux informations que nous ont donnés Sacha et Neo sur lui hier : si un combat entre eux devait éclater, ce serait à l’initiative de Meng, pas de Saiful. Or, Meng a été retrouvé dans la salle d’eau, donc quelqu’un est venu s’en prendre à lui directement. Cela ne colle pas avec le portrait que les Singapuriens ont de Saiful. Bien sûr il pourrait cacher sa volonté de domination à ses camarades, mais pourquoi la révéler maintenant ? Non, non, cela me parait incohérent. Ceux qui pensent que c’est le seul étudiant capable de battre Meng vont penser à lui, en se disant en plus que le mobile est tout désigner… Mais on oublie facilement que Saiful n’est pas la seule personne à surclasser notre meilleur élément…

Ce qu’elle allait dire risquait de chambouler encore plus son camarade.

-Les héros… On pense qu’ils sont la pour nous guider et assurer notre sécurité. Mais ils sont aussi là pour nous garder à l’œil et s’assurer que l’expédition ne génère pas d’autres problèmes. On sait tous les deux comment Meng était difficile à contrôler et que son orgueil menaçait de le conduire justement à vouloir confronter Saiful. Alors, mieux vaux prévenir que guérir non ? Et si Jinfa et/ou Lièrén avaient éliminés Meng pour empêcher que l’incident éclate et rappeler à l’ordre toute la promotion pour que tout le monde se tienne à carreau ? Ils se moquent bien de nous. D’ailleurs, pense tu vraiment que Meng a été envoyé vers Terrafirma ? Nous sommes partis il y a trop peu de temps pour déjà avoir atteint le niveau de la base avancée… Et s’il était encore sur le navire, il devrait être à l’infirmerie, mais cela m’étonnerait qu’il y soit. Je n’ai pas vu la moindre terre à l’horizon cette nuit par ailleurs. Par conséquent, s’il a été déjà évacué, il devrait manquer un canot. S’ils sont tous là et qu’il n’est pas à l’infirmerie, cela voudra dire qu’ils l’ont tués et fait passer par-dessus bord.

Elle prenait au mot ce que ces derniers lui avait dit.

-Il leur importe peu que l’expédition réussisse plus qu’une des précédentes. Ce sont nos vies qui sont en jeux, pas les leurs, et nos vies ont peu de valeurs en soit. Alors sacrifier le meilleur de nos éléments peut nous paraître insensé, mais en considérant cela de leur point de vue, ce n’est pas grave de tous nous envoyer à la mort.

Ce serait la faute de la promotion de pas avoir été à la hauteur. Elle comprenait parfaitement cette logique, mais pour garder la confiance de son camarade il fallait que la meurtrière semble un peu plus humaine que cela et elle ne pouvait donc se permettre de commentaires. Après tous, cette hypothèse lui venait à l’esprit pour la simple et bonne raison qu’elle aurait agi de cette façon si elle avait été à leur place.

-Si c’est bien eux qui se trouvent derrière cette disparition, alors d’autres personnes risquant de faire des vagues avec les Singapuriens pourraient disparaître à leur tour. Tout le monde penserait que c’est justement les Singapuriens qui nous éliminent car ils ne nous apprécient pas. Alors, si j’ai raison, il faut que l’on soit encore plus prudent.

En pensant que ce sont les Singapuriens derrière cette affaire, certains anciens étudiants pourraient se relâcher en étant dans les quartiers hongwois, alors même que ce serait justement là où il faudrait être le plus alerte possible.

-Les autres suspects potentiels sont principalement Saiful et le héros singapurien qui pourraient gérer tous le navire pour que tous soient à son avantage, notamment en donnant des instructions sur les endroits où on a le droit ou pas d’aller en tant que membre de l’expédition. Cela pourrait être quelqu’un ayant réussis à l’affaiblir au préalable pour le gérer, mais je ne vois pas qui parmi notre promotion aurait attendu ce moment-là pour agir… Qu’en penses-tu toi ?

Ils eurent tout le loisir d'entendre les mouches voler, au sein de ce réfectoire habité par le doute, suite à la répartie provocatrice proférée par une Sejeong peut-être un peu trop audacieuse pour son propre bien. Si les deux héros assermentés choisirent de conserver le silence, ils ne se privèrent pas pour la détailler d'un regard qui voulait tout dire : ils la méprisaient ouvertement, et elle s'était sans doute aliénée leur potentielle camaraderie pour tout le reste de l'expédition. Voire pour tout le reste de son existence, s'ils étaient aussi rancuniers que leurs comportements jusqu'à présent altiers pouvaient bien le laisser présager... En tout cas, nul ex-étudiant de l'Académie Xiaolong ne se serait senti de soutenir ou de suivre la demoiselle dans ses injures à demi voilées ; ni Dandan, que l'effroi étreignait bien trop pour que cela ne soit envisageable, si Xiaodan, qui se serait montré sous un jour particulièrement réprobateur, ni Meixiu Tan, qui aurait continué à laisser sa déception et sa frustration déborder d'elle, ni aucun autre aspirant héros. Tous se seraient contentés soit de la suivre du regard en silence, soit de l'ignorer magistralement.
Pour le meilleur comme pour le pire, en se plaçant sous la lumière des projecteurs à un tel moment, elle avait achevé de se détacher complètement des masses que représentaient le reste de ses petits compagnons d'infortune.
Mais ils ne pouvaient pas rester plantés là éternellement ; alors Jinfa Biyan donna bientôt l'ordre à tout un chacun de s'en retourner à ses pénates, répétant l'ordre de ne pas piper mot au sujet des blessures subies par Meng Wen, a fortiori auprès des singapuriens. Ceux-ci ne pouvaient pas être tenus dans le secret, dans la mesure où ils se trouvaient sur leur navire, devaient nécessairement compter sur leur personnel et sur leurs infrastructures pour être soignés et évacués à la hâte, mais il semblait à peu près évident que l'événement devait être occulté complètement, pour leur intérêt à tous.



Il fut sans nul doute le premier de ses camarades à accepter de lui adresser la parole, donc, après l'incident s'étant déroulé dans le réfectoire ; et s'il accepta volontiers d'échanger avec elle à ce sujet, il prit effectivement le parti de s'isoler précautionneusement, comme s'il craignait d'être vu en sa présence, à un tel moment. Et ça n'était pas complètement erroné. Elle venait de montrer qu'elle entretenait les germes d'un défaut que nombre d'hongwois auraient aimé éradiquer comme une mauvaise herbe : l'indiscipline. Être capable de s'exprimer librement face à des héros professionnels, aguerris, étant garants de leur sécurité et du bon déroulement de leur mission, quand on n'attendait d'eux rien d'autre que le silence et la docilité... C'était une initiative qui s'inscrivait en porte-à-faux vis-à-vis de tous les enseignements dispensés au sein de l'Académie Xiaolong. Peu importait, dans le fonds, les intentions de Sejeong au moment où elle avait prononcé ces mots : ils allaient peut-être lui coûter cher, dans un futur plus ou moins proche.
Il l'écouta présenter sa propre version du déroulé des faits, donc, et ses hypothèses quant à l'énigmatique et soudaine disparition de Meng Wen. D'abord curieux et dubitatif, il laissa progressivement disparaître son incrédulité. Ce qu'il avait initialement pris pour une piste probante et plausible devenait de plus en plus saugrenu, à ses yeux, au fur et à mesure que son interlocutrice tentait de le convaincre en multipliant les arguments. Il le lui notifia, après une seconde de réflexions, non sans croiser les bras d'un air sceptique.



Il n'était certes rhétoriquement pas à son meilleur, la faute à une nuit avorté prématurément et à des pensées encore encombrées par la perspective d'avoir vu leur groupe subir un premier coup dur des plus frontaux, mais il croyait fermement que Sejeong faisait fausse route. Il ne prenait même pas le temps de la renvoyer sur la piste de Saiful, parce qu'il n'était effectivement pas pleinement convaincu de la culpabilité du géant insulaire, maintenant qu'elle insistait sur ce point, mais il refusait ouvertement de croire que leurs accompagnateurs pouvaient être les responsables de ce mauvais coup.
Mais, au-delà de ça, il commençait à songer que ce n'était dans le fond guère plus que le cadet de leur souci ; et il assuma sa contrition quelques secondes plus tard, toujours les bras croisés et la mine affligée.



Il cherchait à être pragmatique, utilitariste : et ce qui le chagrinait le plus, bien au-delà de l'état de santé de Meng Wen, qu'il n'avait jamais porté dans son cœur de toute manière, c'était son avenir le plus imminent. S'il ne pouvait compter sur la solidarité et sur la puissance de personne... C'était un retour en arrière amer et cinglant. Le sentiment cuisant d'avoir fait du surplace pendant tout son cursus héroïque au sein de l'Académie Xiaolong.

-S’il s’agit d’empêcher qu’on cause des soucis durant la fin du trajet, l’élimination sur Antiqua adviendra trop tard voyons… Surtout avec le peu d’entre nous qui reviendrons en vie sur le continent.

Tout du moins de son point de vue d’assassine, le rythme n’aurait pas été assuré.

-Ce ne sont pas des professeurs et vu leur comportement j’ai grand peine à croire qu’il leur vienne à l’esprit de discipliner véritablement quelqu’un. Peut-être mon hypothèse est-elle fausse en effet, mais je maintiens que ce n’est pas absurde : ce ne serait pas une volonté de nous nuire, on est pas assez important pour cela, simplement de mettre sous le tapis la poussière.

Néanmoins, peut-être avait-il raison. Elle réfléchissait peut être trop avec des codes de la mafia, du monde de l’assassinat où la realpolitik l’emportait sur toute humanité et où on se débarrasser des gêneurs sur la simple raison qu’ils n’étaient plus utiles. Peut-être cette vision était-elle trop extrême pour le monde des héros, quand bien même celui-ci était certainement aussi sombre que l’autre dans ses dérives. Le comportement des deux héros hongwois présents n’avait d’ailleurs rien d’héroïque et rappelait bien certaines conduites militaires et criminelles. Si Cai Yan avait raison de la détourner de cette hypothèse, tant mieux en un sens. Cela faisait deux personnes de moins susceptible de s’en prendre à elle dans la nuit.

-Meixiu… C’est bien dommage de ne pas pouvoir…

Elle ne termina pas sa phrase, mais la Naksoo commençait à se demander si elle ne pourrait pas tester la réaction des gens à bord du navire en assassinant cette petite princesse en plein dans son sommeil. Cela ne valait pas le coup de la voir souffrir dans la mort, mais c’est vrai qu’elle aurait apprécié voir les créatures d’Antiqua la déchiqueter. En tout cas, si Cai Yan ne semblait pas juger que la mort de Meng Wen pouvait conduire à l’existence de véritables menaces pour leur survie, cela ne valait pas la peine de réfléchir davantage au sujet avec lui.

-Alors… Veux-tu faire cavaliers seuls ou rester avec moi et Dandan ?

Son regard planté droit dans celui de son camarade, « Sejeong » attendait de voir sa réaction, demeurant attentive au moindre spasme de sa peau. Il pouvait essayer de dissimuler ses intentions et lui mentir. Il pouvait dire oui et chercher immédiatement une voie plus « sûre ». S’il répondait par la négative au fait de rester avec les deux filles, elle répliquerait simplement par « Bonne chance alors » et s’en irait. S’il semblait hésiter ou avoir retenu une réaction naturel avant d’affirmer envisager de rester, elle se contenterait d’un « je vois ». Enfin, s’il affirmait clairement hésiter ou répondait suffisamment spontanément positivement sans montrer de panique elle se permettrait alors de lui dire :

-Outre la possibilité de négocier avec Neo et Sasha une véritable alliance, j’ai peut être une carte à jouer.

Ce n’était pas certains que Xiaodan accepte de soumettre Dandan et « Sejeong » au groupe dans lequel il se trouvait, mais elle pouvait toujours essayer. Dans le pire des cas, il faudrait laisser tomber la partie du plan consistant à la mise à mort de la troupe dans laquelle les deux jeunes femmes se trouveraient pour simplement disparaître dans les Terres d’Antiqua. Malheureusement, le levier sur lequel comptait Manwol pour plonger Dandan dans un chaos mental suffisant reposait trop sur sa relation avec Meixiu pour faire exploser son potentiel sous la pression d’une attaque et de la présence de sa persécutrice. Finalement, peut-être que la meurtrière allait devoir tuer sa camarade de chambre plutôt que l’embarquer, en dépit de l’utilité de son potentiel latent.

-C’est dommage. Peu importe combien on prépare les choses, il y a toujours un moment où le sens de l’improvisation est primordial en mission.

Néanmoins, pour une fois, c’était elle qui fixait l’objectif et celui-ci ne reposait pas sur une infiltration conduisant à un homicide pour ensuite s’exfiltrer.

-Dans tous les cas, tu es une des rares personnes ici dont l’intelligence a une valeur. Si jamais tu décides de nous laisser, ça aura été un plaisir.

Devait-elle tué Cai Yan sur Antiqua même s’il ne venait pas avec elle ? Du point de vue de la cultiste, ce serait presque un signe de respect envers cet individu coureur de jupon, mais plutôt rusé malgré tout. Les gens avaient peur de la mort, pourtant était-ce si choquant d’évoquer la mort des autres, de la considérer pour ce qu’elle était : une partie intégrante de la vie. Pour une personne côtoyant la mort dans son travail, ce n’était pas aussi insultant ou menaçant d’évoquer la mort des autres. D’ailleurs, elle avait déjà laissé des instructions à ses camarades Ombres d’Imjin si jamais elle trépassait durant cette épopée. De la même manière, Manwol avait déjà été habitué à évoquer les circonstances dans lesquelles ses parents pouvaient mourir et il lui arrivait même de blaguer sur le nombre de tortures que son paternel serait capable de supporter avant de rendre l’âme. Mais le commun des mortels était souvent trop puritain vis-à-vis de cet aspect pour qu’elle puisse comprendre leur rapport à la mort, beaucoup trop craintif là où les Ombres l’accueillaient comme une amie, une sœur d’arme. Peut-être était-ce également un décalage culturel, étant donné que dans la langue de ses ancêtres "Tu veux mourir ?" était une expression indiquant une réaction colérique mais n'ayant jamais été considéré comme étant une menace réelle, une vision du langage qui avait tout naturellement perduré dans la vision du peuple de ce royaume absorbé par Hongwu. Insérant son pouce dans sa bouche, elle fit avec un signe triangulaire proche du front de son interlocuteur, une bénédiction chamanique de mudang. Suite à quoi elle s’éloignerait afin de chercher Xiaodan pour s’entretenir avec lui. Vu la réaction de Cai Yan par rapport au sujet de la mort de Meng Wen, la tueuse laissa tomber l’idée de lui demander son opinion dessus. Si tout le monde décidait d’accepter la situation tant extérieurement, comme attendu, qu’intérieurement, en se refusant de se questionner, ce n’était pas la peine d’en parler, la meurtrière continuerait de réfléchir seule à ce sujet dans son coin pour éviter ceux qui pourraient s’en prendre à elle.

-Salut. Comment-tu vas ?

Il concluait sa petite argumentation d'une touche d'humour, mais, dans les faits, la situation n'avait rien de bien réjouissant. Hell's Lièrén et Jinfa Biyan étaient effectivement capables de faire de leurs vies à venir un véritable enfer, en cela que l'armée hongwoise et le sens du devoir imprégnaient toute la nation, et notamment la caste héroïque ; leur pays n'aurait que faire d'un héros à la moralité et à l'obéissance boiteuses. Ils seraient promptement évacués, et on leur ferait porter la responsabilité de leur formation jugée vaine... La prison pourrait être un châtiment envisageable, estimait Cai Yan, pour le peu qu'il en savait. Dans un tel contexte, il ne se voyait pas, s'il avait dû se trouver à la place de leurs deux supérieurs, se donner la peine de liquider Meng Wen avec le risque qu'un témoin ne le surprenne au mauvais moment, ou que les singapuriens, courroucés de voir qu'on semait le chaos sur leur propre embarcation, n'enclenchent une enquête approfondie pour démêler le vrai du faux.
Leurs points de vue ne s'accorderaient probablement jamais, toutefois ; le jeune hongwois l'avait bien compris, aussi ne chercha-t-il pas à insister davantage sur ce point lorsque vint la question de l'avenir hypothétique de leur petit groupe, devenu subitement un simulacre de trio. Sur quel cheval lui fallait-il miser, dorénavant ? S'il fut tenté, sous le coup d'une honnêteté peut-être un peu trop impulsive, de lui avouer qu'il ne se voyait pas attaquer Antiqua en n'ayant que deux demoiselles pour alliées, il comprit qu'une franchise un peu trop frontale risquait fort de lui jouer des tours. Jusqu'à présent, Sejeong avait prouvé à maintes reprises qu'elle avait de la ressource. Alors, en attendant que la situation ne puisse s'éclaircir...



Ce qui, factuellement, était véridique.
Il ne servait à rien de se précipiter ; et si l'idée de faire un bout de chemin commun avec Sasha et son sympathique camarade de promotion, Cai Yan ne pouvait pas être certain que les deux singapuriens accepteraient de compter sur eux dans un avenir plus ou moins proche. Quant aux autres membres de la génération hongwoise dont ils étaient issus... Il n'avait aucune raison d'entretenir plus qu'un brin d'optimisme. Il y avait bien quelques groupes susceptibles de représenter une force de frappe rassurante, de son point de vue ; mais aucune n'atteignait évidemment le potentiel du groupe dont il était l'un des fondateurs. Un groupe mort-né... Une source de déception, de frustration ; Sejeong semblait partager son point de vue en la matière, à en croire la teneur désabusée de ses propos suivants.



Rester optimiste, c'était peut-être là la clé de leur survie. Sombrer dans la paranoïa et dans la précipitation aurait pu leur jouer bien des tours, puisque cela n'aurait fait qu'ajouter un peu de complications aux problèmes épineux qu'il leur fallait d'ores et déjà confronter. S'ils restaient confiants, qu'ils se contentaient de se dire que tout irait pour le mieux, et qu'ils agissaient avec du baume au cœur... peut-être qu'ils éviteraient de tomber dans les écueils désastreux de la peur panique.





S'il ne la repoussait pas abruptement, et s'il la gratifia même d'un sourire affable, Xiaodan ne semblait pas spécialement réjoui d'avoir l'opportunité de converser avec elle. Pourquoi ? Probablement parce qu'il devinait qu'elle ne venait pas le chercher par hasard ; pas peu de temps après l'élimination subite et imprévisible de Meng Wen, le meneur du petit groupe au sein duquel elle appartenait jusqu'alors. Il n'avait aucune certitude absolue quant à ce qu'elle pouvait bien tramer... mais il la savait suffisamment rusée pour deviner qu'il aurait un rôle à jouer dans les desseins qu'elle tissait en son for intérieur.
Alors il la renvoya dans les cordes en évoquant à demi-mots ses camarades, dont deux semblaient particulièrement désemparées depuis l'annonce du renvoi momentané de Meng Wen. Ni Dandan, ni Meixiu n'avaient les nerfs suffisamment solides pour affronter une telle nouvelle en demeurant imperturbables. Restait à voir comment elle y réagirait ; lui, attentif, la laisserait s'exprimer sans chercher à la couper dans l'immédiat.