La situation s'arrangeait... laborieusement. D'abord parce qu'Erin acceptait enfin de faire quelques concessions, après ses réticences capricieuses initiales ; elle semblait comprendre qu'elle ne sortirait pas de ce malencontreux fashion faux-pas en se figeant là et en espérant que sa robe se nettoie d'elle-même. Quand elle consentit enfin à revêtir d'autres atours moins élégants le temps que sa tenue actuelle puisse être retapée proprement, et quand Claude fut désigné pour aller chercher de quoi l'habiller, Abaris opina du chef avec un brin de soulagement. Il était bon de constater que cet imbroglio tendait vers son terme, même si son petit doigt lui soufflait que ce n'était jamais que la première interaction maladroite que le Wong leur imposait à cause de son empressement, et qu'il y en aurait d'autres qui seraient de nature à les mettre dans un embarras autrement plus drastique. A cette pensée, il ne put s'empêcher de songer à Antiqua, de se demander si le blondinet pourrait jamais s'y rendre sans craindre la mort à la moindre seconde s'écoulant ; l'anxiété lui rongea les entrailles un bref instant, mais il parvint à la réprimer en se souvenant que les enseignants ne les enverraient qu'au moment où ils seraient jugés aptes à affronter ce continent maudit, et en se raccrochant aussi vigoureusement que possible à la situation qui se présentait devant lui. Le pronostic d'Ian ne l'aurait pas intéressé, dans d'autres circonstances ; en l'occurrence, il se contraignit à y répondre pour tenter d'adoucir un petit peu l'atmosphère ambiante.

-Je dirais trois minutes, glissa-t-il en regagnant sa place sur la banquette, mais en veillant à se décaler pour laisser de la place aux autres étudiants. Ça nous laisse un petit peu de temps devant nous, de toute manière. Venez, asseyez-vous.

Heureusement, il avait le sentiment qu'ils pourraient ressortir de cette vilaine rencontre avec de bons souvenirs ; d'une part parce que Len renvoyait l'image d'un chic type, probablement prompt à passer l'éponge et à se focaliser sur le positif, d'autre part parce qu'il percevait, au fond, qu'Erin ne lui était pas complètement opposée. Elle avait l'air d'avoir un sacré caractère, d'être prompte à céder à ses sentiments, lors même qu'ils n'étaient pas forcément très légitimes... mais ils étaient tous humains, et avaient tous des défauts. Par ailleurs, il préférait ceux-là à ceux d'un Saiful ou d'un Abyan ; elle ne lui donnait pas l'impression d'être capable de nuire à autrui volontairement.
Et si les deux jeunes gens étaient effectivement des élèves en devenir, il allait, en dépit des apparences, instantanément devenir leur aîné au sein de l'Académie. Il devrait veiller à ce qu'ils s'y sentent bien, à ce qu'ils puissent s'y entraîner avec confiance et en toute détente, comme Yi avait pu le faire avec lui, quelques jours plus tôt. Cela commençait forcément par quelques présentations un petit peu plus convenables...

-Vous vous connaissez comment ? demanda-t-il donc distraitement, tant à l'attention de Len qu'à celle d'Hazel.

C'était la première question qui avait bien pu lui passer par la tête ; alors il la posa sans y réfléchir à deux fois, considérant qu'elle ne valait pas moins qu'une autre pour repartir sur de meilleures bases.

Les deux réponses, laconiques, permirent à Abaris de mieux appréhender la nature de la relation qui unissait ces deux étudiants entre eux. Il comprenait mieux, dorénavant, pourquoi Hazel et Len avaient semblé si proches l'un de l'autre tout en ayant parfaitement perdu contact : parce que leur relation, bien que franche, datait de l'enfance. S'il n'avait pas vraiment d'ami datant de cette époque, il comprenait sans peine que la nature du lien qui les unissaient tout deux était inédite, unique en son genre. Rien ne pourrait jamais défaire la complicité qu'ils avaient pu partager au cours de l'enfance... certainement pas quelques centaines, voire quelques milliers de kilomètres.
Mais il était, de facto, particulièrement ironique qu'ils se retrouvent dans de telles circonstances. Et qu'ils soient vraisemblablement amenés à faire à nouveau équipe, bien qu'à l'occasion de moments autrement plus angoissants.
L'autre donnée qui marqua l'esprit du noiraud, ce fut celle que Len lui glissa subrepticement ; son caractère de solitaire. Aurait-il pu le désigner comme tel, s'il avait dû se méfier à leurs premiers échanges ? Assurément pas. Tout au contraire, il renvoyait même l'image d'un type naturel, détaché, capable de parler de n'importe quoi avec n'importe qui. Rien à voir avec Hazel, donc, qui, de par sa placidité, n'invitait guère au partage... Pour autant, il n'était pas compliqué d'imaginer ce qu'ils avaient pu trouver l'un chez l'autre ; ils étaient assez aimables, l'un comme l'autre, pour se côtoyer régulièrement sans jamais trop se lasser.

-Mais alors... Et vous deux ? poursuivit-il, toujours animé d'une curiosité bénigne.

Cette fois-ci, l'interrogation fusait plutôt à destination de Len et d'Erin. Avaient-ils fait la connaissance l'un de l'autre à l'occasion de leur demande d'inscription, ou avaient-ils réalisé ce cheminement ensemble ? Si les deux hypothèses étaient parfaitement viables, la seconde semblait autrement plus invraisemblable que la première : puisque l'Académie Wong ne disposait pas d'un nombre de places illimités à destination de nouveaux étudiants, il semblait difficile d'imaginer que deux amis postulant au même moment puisse finalement se voir acceptés le même jour... Certes, le renvoi de leurs deux camarades absentéistes - si c'étaient bien eux qu'ils étaient amenés à remplacer - avait pu offrir à l'administration de l'université une opportunité inespérée de recruter un binôme... mais il fallait pour cela que leurs deux dossiers puissent s'avérer convaincants. A moins, bien sûr, qu'ils ne bénéficient d'un talent conjoint, comme cela pouvait parfois être le cas, selon les rumeurs.

Dans tous les cas, le Hongjing prêterait une oreille attentive à la réponse de leurs deux nouveaux interlocuteurs, mais attendrait également de pied ferme le retour de Claude : cette petite conversation ne lui déplaisait pas, mais il avait le sentiment qu'ils seraient tous plus tranquilles une fois la robe d'Erin prise en charge par des professionnels.

-Oh... Je vois.

Il s'était attendu à quelque chose d'un petit peu plus croustillant ; mais, dans le fond, il avait anticipé cette réponse comme étant l'une des possibles. Cela laissait à entendre qu'ils ne se connaissaient pas plus que ça, même s'ils devaient avoir pris l'habitude de trainer ensemble en attendant d'être -ou non- rappelés par l'Académie Wong. Un choix déroutant, du point de vue du mélomane, qui n'aurait jamais été suffisamment confiant pour se mettre bille en tête qu'on ferait de toute manière le choix d'accepter son dossier... mais un choix qui avait dû être grandement facilité par la propension de Len à toujours se montrer sous un jour bienveillant et sympathique. Il partait raisonnablement du principe que son air décontracté avait dû beaucoup aider Erin à lui adresser sa confiance...
Les événements suivants s'enchaînèrent sans qu'il ne cherche spécialement à y prendre part, soulagé de ne plus avoir à assumer un rôle de premier ordre, n'étant pas encore très naturel dans cet exercice qui, à ses yeux, avait tout de dépaysant. Il préférait amplement demeurer en retrait, tant que ses interventions n'étaient pas exigées par les situations qu'ils avaient à affronter, lui et ses amis inconséquents. Il en profita donc pour siroter sa commande d'un air absent, accueillant simplement le retour d'un Claude pantelant avec un bref signe de la tête entendu, comme pour le remercier de s'être donné la peine de jouer le jeu à fond. C'était le meilleur moyen pour lui de faire amende honorable... Et s'ils comptaient entretenir, sur le plus ou moins long terme, de bons rapports avec ce binôme de futurs camarades, il valait mieux leur montrer d'entrée de jeu qu'ils ne nourrissaient aucune mauvaise intension à leur égard. Cet accident malencontreux serait bientôt complètement derrière eux, et ils ne l'évoqueraient à l'avenir qu'à des fins nostalgiques, sans l'ombre d'un doute.

-J'aurais dû m'en douter, lâcha-t-il, piteux, quand Iel admit qu'ils n'avaient, lui et son frère, pensé à rien d'autre qu'à ce petit passage dans le bar.

Ce n'était pas contre eux, bien sûr, mais le Hongjing était un peu trop promptement parti du principe que l'invitation des deux frères valait pour l'après-midi, et qu'ils avaient une ou deux idées pour la suite du programme ; force était d'admettre qu'il s'avérait un peu trop optimiste les concernant, dans la mesure où ils n'avaient jamais su se faire remarquer par la force de leur prévenance. Tant pis : dans le fond, leur rencontre avec Erin et Len tombait plutôt bien, dans la mesure où ils n'étaient assurément pas désagréables à côtoyer, pour le moment. Aussi Abaris acheva-t-il d'une traite son ice tea avant d'opiner du chef, comme pour soutenir la proposition du Yeo : cela pourrait leur faire un petit peu de bien, aussi, de côtoyer momentanément des individus extérieurs à leur Académie, aux problématiques très concrètes qu'ils avaient à rencontrer. D'autant plus que cela ne serait pas valable très longtemps...
Mais, envers et contre tout, il avait envie de côtoyer des individus qui ne savaient pas. Qui ne connaissaient pas son différend musclé avec Abyan, qui ne l'avaient pas vu s'isoler pendant plusieurs jours pour s'entraîner d'arrache-pied. Des gens qui n'avaient pas le moyen de savoir qu'il avait été, jusqu'à récemment, un gamin impressionnable et totalement incapable d'assumer le peu d'ego que sa rencontre avec Noa avait pu ressusciter en lui. Un nouveau départ. C'était ce qu'il souhaitait ; et s'il ne pouvait pas se plaindre concernant le comportement de ses amis à son égard, dans la mesure où tous semblaient avoir jeté un voile pudique sur le combat qui l'avait conduit en ligne droite jusqu'à l'infirmerie, il aurait sans doute la conscience plus tranquille s'il pouvait simplement compter sur des individus n'ayant pas conscience des carences dont il souffrait autrement.
Il voulait changer, parce qu'il avait honte de ce qu'il avait autrefois été.

Prochaine destination : le pressing.
Abaris doutait sincèrement que cela puisse rendre leur journée palpitante, mais, dans le fond, il préférait avoir l'opportunité d'échanger encore un peu plus avec Len et Erin, avant que ceux-ci ne s'en retournent à leur vie quotidienne. Dans tous les cas, qu'ils soient intégrés à leur classe ou pas, les deux étudiants seraient amenés à les côtoyer, au moins occasionnellement... L'opportunité d'entamer à tisser de bons rapports avec leur groupe était trop belle pour être bêtement ignorée. Il suivit donc le mouvement lorsque tout le monde entreprit de sortir du bar, non sans prendre la peine, au passage, de vider son verre d'une traite ; puis il opina du chef lorsqu'on lui demanda confirmation quant à la direction vers laquelle il leur fallait tendre au cours des minutes à venir.

-Oui, c'est ça. Après, ce sera la troisième à droite.

Il ne connaissait pas vraiment le quartier ; force était d'admettre qu'il n'avait jamais pris le temps de zoner aux abords de l'Académie Wong avant d'y être accepté, et qu'il n'avait pas vraiment eu le loisir de buller depuis. Cela faisait même plusieurs jours qu'il n'avait pas rendu visite à sa mère, dont la chambre d'hôpital, bien terne, devait être encore plus triste en son absence. Il veillait, bien sûr, à échanger avec elle régulièrement, soit par téléphone, soit par messages ; mais il commençait à se demander si sa carrière lui serait bénéfique, sur le plan de l'épanouissement professionnel, au moins à cet égard. Il pourrait se passer bien des choses, pendant qu'il se rendrait sur Antiqua, prêt à mettre sa vie dans la balance... S'il réussissait à survivre à sa première expédition, toutefois, il pourrait prendre le parti de revenir en Moderna afin d'y établir sa carrière. La BOIH ne le séduisait guère. La vie de héros solitaire, à peine plus.
Devenir professeur, en revanche, cela pouvait incarner, à ses yeux, une ambition tout à fait acceptable. Restait à savoir si ses épopées à venir allaient modifier sa façon de percevoir sa propre condition.

-Pas beaucoup de classes, ça, c'est clair. Et pas beaucoup d'élèves par classe, s'empressa-t-il d'ajouter. Mais on n'a pas vraiment besoin d'être plus nombreux. C'est déjà bien assez animé comme ça...

Il vérifia que la rue dans laquelle ils s'engageaient conjointement était effectivement celle vers laquelle la petite flèche qui pivotait sur son smartphone lui demandait de s'aventurer et, une fois rassuré, entreprit de répondre à la deuxième partie de l'interrogation de Len.

-Pour les profs, j'imagine que... ça dépend du point de vue. Aiden Geist est... un peu spécial. Mais Miss Alma est un peu plus... traditionnelle ? Moins brusque, en tout cas. Moins exigeante, aussi. Les autres profs, je les connais moins, mais Yi m'a dit qu'Elizabeth Chow était sympa. Et qu'Ethan Soo est un trou du cul -mais je suis pas sûr qu'elle soit hyper objective, le concernant.

Il n'était pas sûr que l'énumération serait de nature à répondre à leurs doutes, mais, dans le fond, il ne voyait pas trop d'autre moyen de procéder. Les descriptions qu'il aurait pu faire d'Aiden Geist auraient été promptes à le dépeindre en tyran... sauf qu'il ne pouvait pas nier le fait que ses méthodes particulièrement éprouvantes avaient contribuées à lui permettre de digérer sa déconvenue endurée face à Abyan. Il avait compris comment progresser, grâce à lui. Il n'avait plus qu'à travailler avec acharnement pour commencer à effacer ses défauts les plus grotesques.
Dans le fond, il n'était pas convaincu que Miss Alma, toute encourageante et douée de bonne intention était-elle, avait pu lui permettre d'évoluer ne fut-ce que moitié moins que son collègue. Parfois, la méthode la plus forte était aussi la plus efficace.

-Voilà, c'est cette enseigne, désigna-t-il en tendant la main pour désigner une boutique dont le perron se présentait à une vingtaine de mètres d'eux.

Leur petite sortie servit donc de prétexte à Len pour commencer à se renseigner sur les différents profils qu'il serait amené à côtoyer parmi le corps enseignant de l'Académie Wong, ainsi que sur l'ambiance générale qui régnait à l'intérieur de cette filière héroïque. Pour l'heure, Abaris n'avait pas franchement eu matière à se plaindre, exception évidente faite du trio mené par Saiful ; l'ensemble des individus qu'il avait été amené à côtoyer avaient été, dans le pire des cas, encombrants, gênants ou relativement froids, mais pas antipathiques à proprement parler. Une vérité qui avait de quoi le changer, dans la mesure où il avait, toute sa vie durant, été confronté à des petits tyrans susceptibles de lui rendre la vie bien pénible... Le fait était que la plupart des individus qu'ils côtoyaient devaient être animés d'un compas moral aiguisé et exigeant ; en outre, tous étaient bien conscients du fait qu'il leur fallait se préparer à toutes les éventualités, s'ils ne voulaient pas finir leur première expédition sur Antiqua dans un état proche de celui du carpaccio. De telles considérations ne pouvaient les pousser qu'à embrasser un comportement des plus studieux, lequel entrait en contradiction totale avec les valeurs d'égoïsme, d'arrogance ou d'oisiveté qui servait habituellement de moteurs aux petites frappes des autres écoles.
Et puis, des crapules qui manqueraient de force de frappe auraient sans doute tôt fait être remises à leur place, dans une Académie où les individus les plus effacés étaient parfois dotés de pouvoirs étonnamment redoutables ; il valait mieux être sûr de soi avant de commencer à chercher des poux à autrui. C'était une question d'instinct de préservation, plus que de lucidité ou d'empathie vis-à-vis de son prochain.

Il ne chercha pas spécialement à nuancer les corrections que les deux Yeo se sentirent obligés d'ajouter à ses propos initiaux ; d'une part parce que leur ressenti valait bien le sien, d'autre part parce qu'il était persuadé que tout cela n'était jamais qu'affaire de point de vue, que les deux jumeaux étaient sans doute, sur ce terrain-ci, plus éloignés d'Erin et de Len qu'Abaris ne l'était lui-même, et que leurs deux nouveaux contacts avaient sans doute eu pleinement l'opportunité de mesurer cet état de fait. Ainsi, ils seraient non seulement à même de douter des assertions catégoriques de Iel et de Ian, mais aussi et surtout de comprendre que le Hongjing avait pu faire un effort de réflexion et d'introspection qu'ils n'avaient pas imité avant de s'exprimer ; quant au reste, ils auraient l'opportunité de le découvrir bien assez tôt, a fortiori s'ils étaient choisis pour remplacer les deux tire-au-flanc qui avaient été éjectés des effectifs académiques avec perte et fracas.

-Ce serait un plaisir ! N'hésitez pas à venir nous trouver, si vous avez besoin de conseils ou d'infos. C'est la moindre des choses.

Il voulait prendre le temps de le verbaliser, pour s'assurer que Len ne l'oublierait pas, le moment venu ; s'il trouvait lui-même des adversaires susceptibles de le tourmenter au sein de l'Académie Wong, il voulait que le jeune homme au bonnet puisse être prompt à venir le trouver. Pour qu'il puisse tenter de venir à son secours, comme Yi avait été prompte de voler au sien.
En outre, plus le temps passerait, et moins Abaris se sentirait isolé, selon toutes vraisemblances ; la bande au sein de laquelle il avait été intégré par la force des choses, quelques temps plus tôt, commençait enfin à prendre forme, et il avait le sentiment que les heures de cours à venir leur permettraient d'apprendre à compter les uns sur les autres. La solidarité était un formidable générateur de confiance...

La nouvelle portée par Erin fut de nature à leur rendre à tous un semblant d'enthousiasme ; s'il était possible de rattraper sa robe et de lui rendre sa splendeur d'antan, il allait sans dire que la jeune femme serait plus prompte de pardonner son acte de maladresse à Claude, et de l'oublier, sur le moyen terme. Un jour ou l'autre, tout cela ne serait ni plus ni moins qu'un sujet de plaisanteries entre eux... Quand elle se fendit de quelques remerciements à leur égard, Abaris répondit d'un bref signe de la tête cordial, et d'un sourire enchanté. Il avait eu l'opportunité de constater qu'elle n'était pas quelqu'un d'outrancièrement capricieux, et il voyait dorénavant qu'elle n'était pas rancunière non plus, pourvu qu'on se donne la peine de réparer ses torts. Restait d'elle un comportement relativement emporté, une tendance à demeurer focalisée sur le négatif... Des défauts qui ne seraient probablement pas insurmontables s'il avait à la côtoyer à l'avenir, contrairement à ceux qu'affichaient par exemple Lim-Chan ; en soi, des défauts moins incommodants que ceux des deux Yeo, même. Et comme elle et Len semblaient optimistes les concernant, et enjoués à l'idée d'avoir à croiser à nouveau leur route dans un futur des plus imminents, le Hongjing avait de quoi demeurer satisfait de ces quelques minutes passées en leur compagnie.
Ils prirent donc le parti de les quitter là, Erin souhaitant probablement se délester au plus vite des atours de Claude, qu'elle avait revêtu momentanément. Le mélomane accompagna leur départ d'un signe de la main et de quelques mots tranquilles.

-A bientôt. Rentrez bien.

Il était bon de savoir que de nouveaux individus plus ou moins ordinaires viendraient garnir les rangs de l'Académie Wong, et qu'ils n'auraient pas à supporter d'autres gros bras, peu de temps après le départ d'un Saiful difficilement égalable en la matière. D'un autre côté, c'était sans doute relativement prévisible... Si l'administration avait pris le parti d'exclure deux étudiants à cause d'un comportement jugé trop irrévérencieux, les décideurs avaient sans doute dû choisir de privilégier des candidats susceptibles de répondre à leurs exigences les plus élémentaires. De là à considérer qu'ils avaient sans doute dû passer un temps considérable à feuilleter des dossiers scolaires pour s'assurer de recruter des élèves modèles, il n'y avait qu'un pas que le noiraud réalisait allègrement.

-Hm... Pourquoi pas, acquiesça Abaris en réponse à la proposition d'Ian.

C'était mieux que de suivre deux quasi-inconnus sans trop savoir ce que le reste de la journée pourrait bien leur réserver, dans le fond ; et comme les deux jumeaux faisaient pour une fois montre d'un esprit d'initiative réfléchi, et qu'ils ne se contentaient pas de les lancer dans une direction sans se soucier de ce qui les y attendrait, le Hongjing n'avait aucune espèce de raison d'essayer de botter en touche. Au contraire, c'était précisément ce qu'il était venu chercher : l'opportunité de décompresser un bon coup entre deux entraînements particulièrement ardus. Dès le lendemain, il lui faudrait remettre le pied à l'étrier pour s'assurer que ses progrès n'étaient pas vains, qu'il continuait à progresser de façon linéaire, continue. Alors en attendant, quelques parties endiablées ne lui feraient pas le moindre mal...