Il était loin, bien loin de se douter que Daisuke et Katsu se livraient désormais à une joute verbale, ni l'un ni l'autre ne daignant lancer les hostilités de la plus brutale des manières, attendant sans doute que Yoshiryo ou Shuji parviennent enfin à se départager. Il n'avait même plus vraiment d'autre idée à l'esprit que celle de faire tomber son escogriffe d'ennemi, de manière à le placer directement à sa merci. L'idée était toute bête : un grand gabarit, même costaud, une fois plaqué au sol... ce serait une cible facile. Pour le transformiste, ce ne serait dès lors plus un combat, mais un massacre : il pourrait choisir à l'envi de le soumettre par le biais d'une clé de bras particulièrement vindicative, de lui porter des coups douloureux en visant la rate ou le foie, de le perturber sur le plus long terme en visant par exemple le menton ou les yeux... Il avait conscience que le cortège médical qui encadrait les activités héroïques au sein de l'Académie Asakusa était pourvu d'un très grand nombre de professionnels capables, et de moyens techniques impressionnants. C'était la raison pour laquelle le professeur Nakahara n'avait pas peur de les laisser se confronter librement, quitte à encourager un usage pourtant excessif de leurs pouvoirs et de leurs armes fétiches. La raison pour laquelle il n'avait pas jugé bon d'interdire formellement à Daisuke d'utiliser son sabre tiré au clair.
Ils avaient tous les droits. Ils devaient simplement montrer qu'ils étaient aptes à assurer leur survie, en situation de conflits ouverts. Yoshiryo, lui, avait bien compris qu'écraser leurs opposants était le meilleur moyen de s'en tirer en un seul morceau. Une stratégie basée sur la logique "Hauts risques, haute récompense", une philosophie qu'Amarah embrassait éperdument, sportivement parlant. Une philosophie qui, petit à petit, éveillait en lui une extase combative à laquelle il n'avait jusqu'alors jamais goûtée.
Combattre n'était pas une activité comme une autre. Ce n'était pas une affaire triviale, honteuse, au sujet de laquelle on devait être susceptible de ressentir de la répugnance.
C'était l'expression la plus pure de l'instinct de survie.

Cette euphorie naissante, toutefois, n'était pas suffisante pour lui permettre d'oublier totalement qui il était, et ce qu'il faisait là. Sans son intelligence, ce ne serait jamais plus qu'un retour à la case départ. Shuji était plus grand, plus costaud que lui, en l'état. Il devait également être moins endurant, et son arme ne lui servirait plus à grand-chose, une fois jeté à terre... mais il restait un adversaire formidable, largement en mesure de lui faire mordre la poussière. Avec Yoshiryo devait veiller à toujours avoir de la suite dans les idées. Il en fit la démonstration la plus brillante la seconde qui suivit, lorsque la main de son vis-à-vis parvint à l'empoigner au niveau du col, qu'une seconde chercha à l'agripper à son tour, que Shuji entreprit de l'entraîner dans sa chute.
Décision déconcertante. Mais étrangement censée. D'une part, elle indiquait -puisqu'il n'avait que deux mains- que son opposant avait instantanément choisi d'abandonner son arme, pourtant plus qu'utile compte tenu de son pouvoir. Il avait compris que la situation lui était soudain défavorable, et qu'il ne s'en sortirait pas, seul, sans parvenir à s'adapter. Un bon point pour lui. En outre, il essayait de restreindre la liberté de mouvements de son adversaire, plus petit, plus insaisissable. Cela aussi, c'était plutôt judicieux. Parce que s'il laissait ce lutteur fou agir sans entraves, il aurait tôt fait de se retrouver sur le ventre, une jambe pliée dans un angle improbable, à supplier le professeur de bien vouloir mettre un terme à ses tourments en sonnant la fin de l'exercice.
En l'état, l'alter ego de Romano avait deux solutions.

La première, c'était tout simplement de se camper sur sa position. Sa posture était irréprochable. Basse, ferme, alourdie. Il pouvait tenir bon, sans doute. Mais réussir, dans le même temps, à balancer Shuji au sol ? Peut-être pas. Il était athlétique, costaud, suffisamment, sans doute, pour se retenir à bouts de bras un court instant alors que la gravité l'appelait vers le bas. S'il tenait bon, s'engagerait un bras de fer relativement équitable : certes, son opposant aurait sa force pour lui, mais Yoshiryo conserverait son ascendant actuel, et pourrait maintenir Shuji dans sa posture précaire, instable. Encore une fois, c'était une option raisonnable, à laquelle le jeune homme ne souhaitait, ne pouvait pas adhérer.
La seconde, c'était de bondir. De laisser Shuji le catapulter, sans trop s'inquiéter quant à sa chute. Il avait les muscles solides, tendus ; ils lui permettraient d'endurer ce mauvais moment sans trop de peine. Il pourrait se rétablir rapidement ; là encore, son gabarit modeste, nerveux, lui conférerait une très généreuse longueur d'avance sur son vis-à-vis. Il pourrait choisir de revenir à la charge pour le maintenir au sol, ou se ruer sur sa batte pour la brandir et l'utiliser à son avantage. Il pourrait même entreprendre de nuire à Katsu, pourquoi pas, le temps que l'autre ne parvienne à se relever et à revenir à la charge. Il aurait sans doute quelques secondes de champ libre.

Risible. Ce deuxième choix était risible. Sans doute plus encore que le premier... parce qu'il aurait exigé de Yoshiryo qu'il accepte de se soumettre. Qu'il admette que son adversaire le dominait sur le plan physique. Qu'il devait, avant toute autre chose, redoubler de prudence à chaque fois que Shuji esquissait le moindre geste susceptible de l'atteindre. Non. Il menait la danse. Il refusait de laisser ce contrôle lui échapper. Catégoriquement.

Alors il fit ce que personne, sans doute, n'aurait été en mesure de prévoir dans de telles circonstances. Alors que ce combat devait laisser s'affronter quatre étudiants de la même Académie, de la même classe, qu'il devait rimer avec bonne ambiance et esprit sportif, qu'il aurait dû être l'opportunité de chercher à innover en bonne intelligence, il fit ce que l'homme savait faire le mieux, par nature.
Être fourbe.
Il se recroquevilla soudain, empêchant Shuji de le soulever dans la seconde ; puis il bondit, pour accompagner brusquement le mouvement de son adversaire.
Mais sa jambe glissée entre celles de Shuji, elle, ne s'éloigna pas. Tout au contraire... il prit le parti de présenter son genou sur la trajectoire des parties intimes de son opposant.

Il allait lui fracasser les noix. Lui briser les couilles, les pulvériser, les oblitérer, même, de toutes ses forces, en utilisant par ailleurs l'élan que sa malheureuse victime avait osé lui conférer.

Aucun esprit sportif : cela ne faisait pas partie des consignes. Aucune retenue : Katsu et Shuji n'en avaient pas pour ceux qu'ils choisissaient de martyriser.
Rien d'autre que l'expression insensée d'un besoin de prouver qu'il était fort.
Peut-être même le plus fort, sous certains aspects.
S'il en avait la chance, il le castrerait. Littéralement.

Ensuite, selon la réaction de Shuji, il essaierait de l'achever sans plus attendre : il miserait sur une clé de cheville. Il se ruerait sur l'une des jambes de son opposant, sans lui laisser esquisser l'idée de se redresser -la gauche, la droite, peu importerait- et il s'en saisirait comme un serpent affamé souhaitant engloutir sa proie. Il se mettrait en position... et forcerait aussi violemment qu'il le pourrait, quitte à lui disloquer la cheville.
Dans un combat à la régulière, il fallait trouver l'équilibre délicat pour faire capituler son adversaire après un intense supplice, étouffer ses espoirs et le rendre prompt à privilégier l'arrêt de ses souffrances.
Ce n'était pas un combat à la régulière. Il essaierait donc de le priver de l'une de ses deux jambes. Ensuite, seulement, il reprendrait ses distances pour aviser : si sa combativité était morte et enterrée, il pourrait se rabattre sur Katsu. Lui et Daisuke, à deux contre un, n'auraient plus qu'à finir le boulot. S'il s'échinait à se redresser... Eh bien, Yoshiryo pourrait toujours lui briser la deuxième cheville, aussi.

Cela avait marché... au-delà de ses espérances, en fait. Largement au-delà.
Non seulement il avait réussi à percuter les parties de son opposant, causant chez lui une douleur aussi intense que tenace, qui le suivrait pendant de nombreuses secondes et l'handicaperait pendant sans doute une généreuse paire de minutes, mais il avait en plus réussi à se glisser autour de l'une de ses jambes, comme imaginé en amont, pour tenter de lui briser la cheville d'une prise particulièrement sournoise.
Shuji était, en soi, complètement à sa merci.
La situation avait un petit quelque chose de jubilatoire, du point de vue de Yoshiryo. Si Katsu et ses sbires n'avaient jusqu'à présent jamais pris la peine de lui chercher des crosses, se doutant sûrement du fait qu'ils auraient plus à y perdre qu'à y gagner dans la mesure où il n'était ni un trouble-fête de premier ordre, à leur instar, ni un bon samaritain susceptible de se dresser entre eux et leurs victimes à la moindre incartade, ils n'avaient jamais pu se donner, à ses yeux, une image particulièrement glorifiante. Ils n'étaient, dans le fond, rien d'autre que des petites frappes. Des types un peu plus dégourdis que la moyenne, un peu plus robustes aussi, qui faisaient abondamment usage de leur force pour soumettre autrui. Parce qu'ils avaient jusqu'à présent eu la bonne fortune de tomber uniquement sur plus faibles qu'eux, ou sur moins nombreux, ils avaient su maintenir leur figure hégémonique et donner l'impression à l'ensemble de leurs pairs qu'ils les supplantaient en tout point.
Cette illusion n'était ni plus ni moins qu'un château de cartes des plus fébriles dans lequel l'alter ego de Romano venait tout juste de donner un coup de pied fiévreux. S'ils étaient probablement plus redoutables que nombre des étudiants qu'ils étaient amenés à fréquenter, Yoshiryo, lui, jouait dans la même cour qu'eux. Yoshiryo, et potentiellement d'autres aspirants héros restés jusque-là passifs, en attendant simplement qu'on daigne leur conférer une opportunité de sortir de la masse pour marquer les esprits. Il y en avait, il y en aurait, des gars susceptibles de montrer à Katsu et à Shuji qu'ils n'étaient pas invincibles. De pleines brouettes, sans doute. Peut-être même que certains s'en sortiraient mieux encore que Yoshiryo...

Mais il resterait le premier, à jamais.

Le cri de Daisuke qui l'averti de la menace que Shuji faisait planer sur lui étira ses lèvres en un rictus crispé. Ils arrivaient au nœud de l'affrontement qui s'était impitoyablement dessiné, au moment où Nakahara avait jugé bon de confronter ces deux duos entre eux. Celui qui céderait le premier offrirait à l'autre sa reddition. Il lui offrirait la victoire sur un plateau d'argent. Plusieurs options s'offraient évidemment au faux-héros ; nombre d'entre elles étaient trop raisonnables pour qu'il ne puisse prendre le parti de s'y intéresser de plus près. Il fut tenté, l'espace d'un instant, d'utiliser sa charge contre Katsu. D'essayer de se saisir de son bras, comme il venait de le faire de la jambe de Shuji, pour lui briser le coude, là où sa carapace minérale ne s'étendait plus, où son pouvoir ne pourrait pas lui sauver la mise. Mais il la botta en touche sans davantage y penser : parce que l'autre étudiant était à la fois plus svelte, plus vigoureux et plus réactif que son gorille de partenaire, qu'il serait sans doute plus à même de s'en prémunir et que cela offrirait à Shuji l'opportunité de récupérer en douceur. Trop de mauvais points, trop de mauvaises répercussions pour qu'il puisse s'en accommoder.
Il aurait aussi pu partir du principe que Daisuke allait avoir un rôle à jouer. Il était armé, après tout. Il était l'homme le plus redoutable, sur un plan tout-à-fait pragmatique ; parce que les coups qu'il était susceptible d'infliger auraient l'intérêt de faire saigner, et de faire saigner beaucoup. Dans une telle situation, cela représenterait sans doute un désavantage insurmontable. Mais il n'était pas encore certain de la valeur de son camarade en tant que combattant ; ça n'était pas tant un manque de confiance que la volonté de sécuriser quelque chose. D'obtenir un résultat concret de ce premier bras de fer qu'il avait remporté haut la main.
Comme un prédateur né, Yoshiryo ambitionnait de récolter un trophée. De marquer son premier coup d'éclat, de le matérialiser par une chose concrète, tangible, que nul ne pourrait jamais nier ou lui ôter.

Alors, quand Katsu fut assez proche pour porter son coup, il desserra son emprise autour de la jambe de Shuji du tout au tout ; il ramena son bras gauche vers sa tête, le replia pour protéger sa tempe, laissa le coup porter mais commencer à se déporter sur le côté avant qu'il ne fasse mouche. Il sentit la peau durcie de son vis-à-vis percuter ses muscles et ses os avec une puissance honorable ; il en grimaça, certes, mais se laissa avant toute autre chose rouler dans une direction choisie en amont. Et, dans le rouler-bouler qu'il endura...
Son autre main, elle, attrapa le manche de la batte de Shuji.

Une poignée de mètres plus loin, enfin stabilisé, à demi-accroupi, il soupesa l'arme de son opposant en offrant à Katsu un sourire insolent et provocateur.
Son bras droit, celui-là même qui soulevait sans peine l'arme du gorille qui devait sa cheville à son camarade, avait été gonflé. Il avait profité de son mouvement pour en faire croître les muscles... jusqu'à être doté d'une force physique invraisemblable.
La deuxième manche ne serait pas aussi équilibrée que la première, selon toute vraisemblance. Parce qu'ils étaient deux à être armés, dorénavant.

Gagner. Gagner, et gagner. Gagner, encore. Gagner, toujours.
Cette seule obsession dévorait désormais l'esprit de Yoshiryo, expliquant à elle seule son rictus affamé, sa posture nerveuse, ses muscles tendus, la folie qui s'emparait de son regard ; il voulait briser leurs deux opposants, leur prouve qu'il pouvait toujours exister plus puissant qu'eux, mais que plus puissant que lui n'existait pas. Pas parce qu'il les haïssait, pas parce que le professeur l'avait demandé, pas même pour guérir les egos meurtris de ses camarades ayant fait les frais de leurs comportements de parfaits petits connards ; mais pour sentir la félicité de la victoire s'emparer de lui et l'enivrer tout entier. Il en avait eu quelques réminiscences, lorsqu'il avait cédé sa place à Amarah, lorsqu'elle avait expédié au tapis des ennemis parfois deux fois plus lourds qu'elle ; il voulait dorénavant expérimenter cette généreuse dose de dopamine seul, en parfait égoïste, en demeurant aux premières loges.
Il voulait son petit moment de gloire, ne désirait plus que cela. Tout le reste commençait à se voiler, à s'effacer ; tout, y compris la douleur lancinante qui avait envahi son bras gauche suite au coup de Katsu, y compris la bassesse qu'il avait manifestée lorsqu'il s'en était pris à la virilité de Shuji, y compris les aspérités du terrain sur lequel cette lutte se déroulait, ou sur les consignes du professeur Nakahara. Tout, sauf Daisuke, Katsu, Shuji, lui-même, et cette maudite batte qui pesait son poids.

Alors, quand Katsu prit le parti de s'éloigner brusquement pour éviter de subir une tentative d'encerclement, Yoshiryo ne se fit pas prier. Il s'élança au pas de course, droit devant lui... renforça son sourire d'une expression porteuse d'un sadisme insensé lorsqu'il remarqua que Daisuke avait eu la même idée que lui. Délaisser le chef pour se payer le petit chien ; annihiler celui qu'ils avaient désarmé et déjà, une première fois, jeté à bas.
Quand Shuji n'aurait plus rien d'autre à faire que suçoter ses dents pétées en attendant que le temps passe, Katsu, sans doute, s'avérerait nettement plus docile à son tour. Et l'alter-ego de Romano était suffisamment rancunier pour se souvenir du coup électrique avec lequel il avait voulu le cueillir en pleine face : il allait lui rendre cette petite politesse, tôt ou tard.
En attendant, donc, il allait plutôt se consacrer à l'élimination d'un Shuji momentanément délaissé par son binôme ; qu'il lui fasse face, ou qu'il soit plutôt tourné en direction de Daisuke, son offensive demeurerait inchangé. Parce que ce type, grand et costaud comme il l'était, pourrait sans doute endurer pas mal de blessures d'une gravité certaine avant de tourner de l'œil, Yoshiryo savait mieux que quiconque qu'il fallait viser ses points faibles. Ses parties génitales en étaient un.
Ses genoux en étaient un autre.
Parce qu'un type grand, comme lui, avait toujours une difficulté naturelle à défendre le bas de son corps ; parce qu'il était sans doute encore relativement groggy à cause de la douleur qui avait dû le ronger lorsque son vis-à-vis lui avait généreusement latté les couilles ; parce que l'épée de Daisuke, sans doute, revêtirait une menace autrement plus crédible à ses yeux que sa propre batte, fut-elle un peu plus lourde que la moyenne. Il se dirait sans doute qu'un simple coup ne suffirait pas à l'envoyer au tapis, dans tout son orgueil.
Il se tromperait.

Parce que Yoshiryo attaquerait son genou dans un coup de taille particulièrement lâche, en visant le côté extérieur de sa rotule pour le pousser vers l'intérieur.
Il allait lui éclater la jambe en deux, histoire de voir s'il saurait, après cela, se relever aussi fièrement.

Katsu avait eu la maladresse, ou la naïveté confondante, sans doute, de croire qu'ils ne se rueraient pas tous les deux sur Shuji au moment même où il s'éloignerait ; il avait peut-être jugé que l'un ou l'autre de leurs deux opposants préférerait se jeter à sa poursuite, afin de les empêcher de se coordonner à nouveau. La vérité, c'était que Yoshiryo considérait, très froidement, que régler son compte à Shuji prématurément rendrait aussi la riposte de leurs ennemis particulièrement futile ; en outre, il n'en avait pas grand-chose à faire, de gagner propre. Sa mentalité, a priori, avait l'air de s'étendre progressivement à Daisuke, à le séduire, et il s'en félicitait.
Peu importait de gagner propre...
Pourvu qu'ils gagnent.

L'intervention d'un tiers.
Il fallait bien cela pour sauver la mise d'un Shuji placé dans une posture des plus précaires ; assailli de toute part par deux opposants largement en mesure de l'éliminer seuls, compte tenu des armes qu'ils brandissaient de son état physique sans doute à tout le moins amoindri, il n'aurait eu aucune espèce de chance de s'en sortir s'il n'y avait pas eu ces lumières aveuglantes pour surgir de toute part, et pour s'abattre sur eux sans leur laisser la moindre chance d'en réchapper. S'il fit de son mieux pour tenir sa position et pour endurer la douleur qui le cisaillait vertement, Yoshiryo comprit que le professeur Nakahara ne comptait pas les laisser s'écharper comme des chiens sauvage sans intervenir d'une façon ou d'une autre. Était-ce pour cela qu'il leur avait donné la permission de se blesser, même grièvement ? Parce qu'il se savait parfaitement capable d'intervenir avant qu'ils ne puissent songer seulement à atteindre le point de non-retour ? Les propos de l'enseignant lui-même vinrent éclairer un tout petit peu les zones d'ombre qui persistaient autour de cette ingérence inattendue, sans doute inespérée du point de vue du colosse qui, pourtant, avait également subi un revers en voyant cette pluie lumineuse s'abattre sur lui.
Il voulait qu'ils continuent à maintenir leurs sens aux aguets. L'espace d'un instant, ils s'étaient oubliés, s'étaient laissés aller à leur confrontation fiévreuse ; Daisuke et Yoshiryo parce qu'ils avaient entraperçus la possibilité d'en finir sans plus attendre, Shuji parce qu'il avait senti qu'il était dans un fameux pétrin, et Katsu parce qu'il avait, en voyant son collègue être ainsi pris pour cible, sans la moindre possibilité de s'en tirer indemne, réalisé qu'il serait bientôt la cible de leurs foudres.
En d'autres termes : la tension les avait submergé de concert, et ces lumières avaient choisi de les frapper pour les rappeler à l'ordre.

Alors, était-ce une morale collective... ou individuelle ? Pour Yoshiryo, la question n'avait pas lieu d'être. Parce que ce n'était pas la première fois qu'il pulvérisait tout ce qui se trouvait autour de lui ; lors de son bras de fer particulièrement fiévreux avec Shuji, il avait déjà cédé bien du terrain à la part la plus sauvage de son être. A ce moment précis, c'étaient plutôt Katsu et Daisuke qui, restés en retrait, s'étaient assurés de maintenir la situation globale sous contrôle... Alors, ils fonctionnaient effectivement comme une équipe.
Tant que l'un d'entre eux était attentif, il y avait fort à parier que l'autre, de son côté, pouvait se focaliser sur l'attaque.
Lorsqu'il entendit, donc, la question innocente de Daisuke... Yoshiryo n'hésita pas.
Sa batte déjà brandie, il visa la rotule de Shuji pour reprendre son offensive exactement là où il l'avait délaissée, forcé et contraint. Pendant que l'épéiste ingénu attirait l'attention de leurs deux opposants, pendant qu'il demeurait attentif à ces maudites loupiotes qui les menaçaient en trônant tout autour d'eux, il se chargerait, de son côté, d'éclater son genou à cette force de la nature décidément malchanceuse ; ensuite, seulement, il prendrait le temps de se questionner à propos de ces lumières, de leurs particularités, de l'intensité avec laquelle elles étaient susceptibles de les cueillir.
Parce qu'il était un charognard, il ne pouvait décemment pas laisser passer une chance d'annihiler l'opposition qu'il avait pour ambition d'écraser de son talon. Dans le fond, son binôme avec Daisuke était probablement le plus complémentaire possible, à cet égard. Ils n'avaient pas pu l'envisager de prime abord, puisqu'ils venaient tout juste de se rencontrer... Mais ils n'auraient sans doute pas pu mieux tomber, l'un pour l'autre.

Il jubila.
Le choc impitoyable de la batte en métal sur le genou de son propriétaire habituel accentua d'autant le sourire sadique et carnassier de Yoshiryo ; la chute de Shuji, son cri de douleur, et la rage que manifesta un Katsu impuissant, à quelques mètres de là, le firent exploser d'euphorie.
Un à zéro, balle au centre.
En pulvérisant la rotule de Shuji, il venait non seulement de mettre un coup sévère à l'hégémonie de leur petite bande de crapules, mais aussi et surtout de leur inculquer une leçon d'humilité dont ils se souviendraient longtemps, sous le regard de nombre des étudiants qu'ils avaient traités comme des marchepieds jusqu'à ce jour. Combien d'entre eux, héros en devenir, apprendraient grâce au métamorphe à ne plus les craindre, à ne plus les considérer comme de réelles menaces ? Combien d'entre eux se rebifferaient, les moqueraient, décideraient de constituer des bandes pugnaces susceptibles de les tenir en respect, de les pousser à aborder une posture moins belliqueuse, plus timide ? Un retour à la normale. La suppression pure et simple d'une règle qui, tacite, régissait tous les rapports que ces étudiants avaient constitué entre eux. Voilà ce que symbolisaient ce coupe de batte, ce genou esquinté, ce hurlement de frustration. La perspective d'un chamboulement majeur pour l'ensemble des élèves de cette classe.
C'était cela, la victoire après laquelle l'alter-ego de Romano courrait avidement. La promesse de satisfaire le professeur Nakahara et ses attentes, de répondre aux règles sibyllines qui encadraient cet exercice dont ils ignoraient encore la nature, c'était assurément secondaire, en comparaison. Anecdotique, même.
N'était-ce pas cela, un héros ? Un type capable de sortir des carcans attendus, d'outrepasser le rôle qu'on lui avait décerné pour marquer les esprits, réaliser une bonne action, faire en sorte que les individus les plus apathiques, les plus indolents, puissent être tentés de reprendre en main le cours de leur existence ?

Alors, quand Katsu le foudroya d'un regard assassin tout en ayant le bon goût de demeurer loin, le plus loin possible de cette maudite batte qui pouvait, à lui aussi, lui pulvériser un genou, Yoshiryo ne put s'empêcher de lui répondre par le biais de quelques mots enjolivés d'un rire guilleret.

-Bah alors ? On est tombé sur plus fort que soi ?

Il eut l'envie, l'espace d'un instant, de brandir un majeur grossier et provocateur pour surenchérir avec bien plus de violence et de mesquinerie qu'on ne lui en connaissait jusqu'alors ; il considérait que Katsu était sur le point de céder à sa hargne, et que celle-ci serait tout-à-fait susceptible de le mener à sa perte... mais le mouvement des boules lumineuses et leur volonté à s'agglomérer coupèrent court à ce petit jeu d'irrévérence au sein duquel il était pourtant appelé à exceller.
Décidément, le professeur Nakahara n'avait pas l'air de vouloir laisser ses élèves s'amuser un petit peu ; pour éviter que ceux-ci ne continuent a priori à s'éloigner du principe même de l'épreuve qu'il leur avait concoctée, il fit appel à ses pouvoirs pour manifester une espèce de loup massif, lequel bondit sur Daisuke pour tenter de le mettre en pièces. Le sabreur, alerte et habile, parvint à se jeter sur le côté en temps et en heure ; Yoshiryo, frustré de ne pas pouvoir régler son compte au patron après avoir corrigé son clebs, afficha une moue agacée en plaçant la batte de Shuji sur son épaule, au repos.

Vint alors l'idée folle de Daisuke ; qu'il ne comprit pas vraiment, en tout cas pas dans l'immédiat. S'il capta bien son geste, et jeta effectivement un regard bref dans la direction qu'il venait tout juste de lui désigner, il hésita, l'espace d'un instant, en se demandant s'il avait bien compris ses intentions. Puis, en constatant l'insistance de son acolyte, il parvint finalement à déceler le fond de sa pensée... et se fendit d'un éclat de rire généreux, aussi spontanée que bon enfant.

-J'avais peur qu'on pense que j'ai un grain après tout ça, mais ça va, j'ai de la marge !

Il n'imaginait pas que cela puisse être la réponse attendue par le prof à cette énigme qu'il leur soumettait, parce qu'il avait tendance à croire que s'il avait souhaité les confronter, il aurait tout-à-fait pu le faire frontalement, en se présentant directement dans l'enceinte de cette arène. Il n'aurait jamais pris le risque d'impliquer d'autres étudiants en demeurant à leurs côtés, alors qu'ils ne devaient être rien de plus que des spectateurs...
Pour lui, l'objectif immédiat était de pulvériser le loup ; alors il avança dans sa direction d'un pas vigoureux -maladroitement placé sur le genou en charpie d'un Shuji encore avachi devant lui, pas de chance- en décernant à Katsu quelques paroles supplémentaires.

-Maintenant, la racaille, tu fermes ton clapet, tu te tiens calme et tu laisses les héros montrer l'exemple. Sinon, vous pourrez continuer à vous tenir la main à l'infirmerie, ton petit pote et toi.

Jusqu'à présent, ils avaient eu le bon goût de l'ignorer ; ils avaient dorénavant matière à comprendre, et ce dans la douleur, qu'ils avaient été bien inspirés de le faire.
Parce que Yoshiryo, au-delà de leur être semblable, avait sans doute un train d'avance.

Si tout se déroulait comme il l'entendait, l'alter-ego de Romano fondrait donc sur le loup gigantesque comme un oiseau de proie. Pas la peine de viser une approche délicate et précautionneuse : il brandissait une putain de batte en acier alourdie par le pouvoir d'un tocard bientôt alité. Il frapperait vite, et tenterait de frapper dur, en visant notamment l'arrière-train de la grosse bêbête. Commencer par nuire à sa mobilité, comme avec Shuji, en fait ; après, il aurait largement le temps de lui régler son compte.

La victoire. Il s'en délectait, d'autant plus d'ailleurs qu'elle avait une apparence, une existence physique, une matérialisation concrète : le visage hargneux de Katsu, son air renfrogné, haineux, même. Ce sale type l'avait pris en grippe, voilà ; mais au lieu d'en ressentir l'inquiétude qui avait autrefois pu couver dans l'estomac de ses camarades, Yoshiryo percevait cette rancune froide et encore maîtrisée comme un nectar des plus savoureux. Une symphonie délectable. Mirifique. Une volée d'intentions néfastes et assassines qui le portaient aux nues, le rendaient extatique ; un tableau ravissant dont il ne put pas se rengorger bien longtemps, prenant rapidement le parti de reporter son attention sur des préoccupations un petit peu plus tangibles, en la présence de ce loup lumineux généré grâce aux pouvoirs du professeur Nakahara. Tangible, toutefois, était peut-être en l'occurrence un terme un peu trop galvaudé : parce que lorsque la batte qu'il brandissait traversa ce prédateur né sans lui causer la moindre douleur, et lorsque le métal, d'ailleurs, se mit à réverbérer une chaleur intense, à la limite du soutenable, l'étudiant transformiste compris que cette sale bête avait le potentielle de lui poser un sérieux problème.
D'autant plus qu'il ne voyait pas vraiment Katsu se jeter dans sa direction pour l'aider à prendre ce taureau-ci par les cornes ; loin de lui en vouloir, Yoshiryo cherchait plutôt à trouver des indices qui pourraient lui permettre d'y voir un petit peu plus clair. Il commençait à connaître Nakahara et ses pratiques douteuses. L'homme n'était clairement pas le meilleur pédagogue, en cela qu'il n'était pas du genre à les guider, à les accompagner outrancièrement... mais il n'avait jamais semblé particulièrement sadique ou cruel pour autant. Il n'aurait jamais cherché à les confronter à des circonstances inéquitables, à des problèmes insolvables. Il avait passé le stade de chercher à provoquer chez eux une prise de conscience ou une remise en question cathartique... D'autant plus que se trouvait au nombre des participants de cette épreuve aux règles inconnues encore un nouveau venu, en la personne de Daisuke. L'enseignant avait forcément dû en prendre acte, considéra le métamorphe en bondissait en retrait tandis que les crocs du monstre lumineux menaçaient de lui griller la peau ; après une roulade rendue quelque peu maladroite par son bras massif et la batte alourdie de Shuji, il entreprit de se redresser en baladant son regard alentour, à la recherche d'un détail, d'une anomalie susceptible de l'aiguiller d'une manière ou d'une autre.

Il ne découvrit rien de franchement digne d'intérêt, à première vue. En tout cas rien d'autre que la silhouette de Katsu qui s'était emparée de son camarade dorénavant éclopé, et qui s'échinait à l'éloigner du cœur du conflit ; ainsi que celle, probablement plus aventureuse, d'un Daisuke transformé également, mais ayant opté pour des traits assurément plus primaires que les siens.
Et ayant aussi opté pour une initiative plus désarçonnante, aussi.

-Qu'est-ce qu'il... trouva-t-il la force de baragouiner, un sourcil arqué, interloqué.

La prise de conscience intervint dans un second temps, sans doute parce qu'il avait promptement considéré que l'épéiste faisant équipe avec lui n'irait pas aussi loin, pas après qu'il ait lui-même pris le parti de botter en touche son invitation. Les faits, pourtant, se déroulaient devant ses mirettes impuissantes... Daisuke était littéralement en train de foncer sur Nakahara pour le contraindre à prendre une part plus active à l'exercice qui se déroulait dans le terrain qu'il avait vaguement défini un petit peu plus tôt. Sans doute déterminé à l'idée de guérir le mal à la racine, l'apprenti héros, le nouvel élève, même, avait vraisemblablement décidé de mettre son idée incongrue à exécution, au nez et à la barbe des réticences exprimées par son acolyte du jour ; et ce dernier ne put réprimer son éclat de rire franc, généreux, spontané.

-Il est complètement fracassé, le mec !

C'était au tour de sa facette la plus joviale, la plus amicale de s'exprimer sans ambages ; et sans méchanceté, sans mépris aucun. L'idée qui prédominait, c'était qu'il était impossible d'en vouloir à Daisuke en ce qui concernait cette décision stupéfiante de candeur : parce qu'elle répondait à la situation que Nakahara leur avait soumise, qu'elle n'était barrée par aucun interdit formel, et que c'était précisément le manque de cadre apposé par leur enseignant qui l'avait poussé à opter pour une voie aussi loufoque.
Le problème auquel le jeune sabreur risquait de se heurter, au cours des secondes à venir, c'était qu'il existait une différence fondamental entre les élèves et leurs professeurs, au sein des académies héroïques. C'était que les premiers étaient encore en cours d'apprentissage... et que les seconds, eux, avaient été formés et diplômés. Qu'ils avaient survécu à Antiqua. Qu'ils étaient, en un mot comme en mille, parfaitement aptes à se défendre face à ce qu'ils auraient pu être tentés de décrire comme des menaces mineures.
Il ne se berçait d'aucune illusion ; même s'ils avaient réussi par miracle à tomber d'accord avec Shuji et Katsu, et à se coordonner, ils n'auraient probablement pas pu l'emporter face à Nakahara, dont les talents semblaient particulièrement agaçants. En l'état... Il y avait fort à parier que Daisuke prendrait douloureusement la mesure du fossé qui les séparaient encore de leurs instructeurs. Pour le meilleur comme pour le pire...

L'exercice s'acheva de la plus frustrante des manières. Yoshiryo eut bien l'opportunité de se rendre utile une dernière fois, en se plaçant sur la trajectoire de la chute de Daisuke pour lui permettre de l'amortir un tant soit peu, mais il fut impuissant lorsque l'enseignant prit la décision de mettre un terme à cette épreuve jusqu'alors palpitante, sans doute courroucé d'avoir à constater leur indiscipline et leur sens de l'improvisation à tout le moins audacieux. Après s'être assuré que le Hashino n'était pas dans un état trop déplorable, et après lui avoir rendu sa liberté en le relâchant, donc, le transformiste abandonna la batte de Shuji sans se donner la peine de la lui rendre ; il s'échina ensuite à masser son bras volumineux, celui-là même qu'il avait rendu surdimensionné afin de pouvoir brandir la batte alourdie sans la moindre peine. Il aurait aimé avoir le loisir de s'en servir davantage, et il se demandait encore si le professeur Nakahara avait eu une réelle idée derrière la tête, avec l'usage de son pouvoir et notamment la création de ce canidé intangible. Quelque chose, toutefois, poussait l'alter-ego de Romano à croire que le spectacle qu'il avait fourni en tenant en échec les deux racailles de leur classe n'avait pas complètement déplu à l'enseignant... Après tout, l'intervention de ce dernier, plutôt tardive, lui avait permis d'inculquer sans doute à Shuji une petite leçon d'humilité des plus cuisantes. Katsu lui-même risquait de s'en souvenir pendant encore un bon bout de temps... pour le meilleur comme pour le pire. S'il imaginait sans peine qu'ils tenteraient tôt ou tard de se venger de l'affront qu'il venait tout juste de leur faire, le transformiste ne s'en inquiétait pas trop. Avec le temps, d'autres de leurs camarades, sans doute, se lèveraient pour rappeler à ces deux barbares et à leurs acolytes qu'ils n'étaient pas de doux agneaux, qu'ils prévoyaient, eux aussi, de se servir de leurs pouvoirs à des fins martiales. Ils seraient de plus en plus nombreux à vouloir leur tenir tête, par fierté ou par instinct de préservation... et cela, un jour ou l'autre, contraindraient Katsu et Shuji à opter pour une conduite moins provocatrice.

-C'était marrant, prit-il le temps de glisser à Daisuke avant d'entreprendre de remonter jusqu'aux hauteurs où leurs camarades les attendaient patiemment.

Il aurait aimé que cela se prolonge, bien sûr ; et que Daisuke prenne le parti de s'en prendre un peu plus à leurs deux opposants, un petit peu moins à leur enseignant... mais il ne pouvait pas lui en vouloir d'avoir voulu tenter quelque chose pour les sortir d'une apparente impasse. En outre, le jeune sabreur n'était encore qu'un nouveau venu, au sein de leur classe... il lui fallait encore apprendre, et apprendre beaucoup. Contrairement au parti pris que Katsu semblait d'ores et déjà cultiver à son sujet, Yoshiryo, lui, partait du principe que Daisuke pourrait à terme devenir un camarade des plus respectables ; mais, pour ce faire, il allait devoir apprendre à canaliser son énergie pour la déployer à bon escient. La première correction que venait de lui infliger Nakahara lui servirait longtemps, parce qu'elle venait de lui apprendre qu'il y avait des individus largement en mesure de les écraser, envers et contre les pouvoirs dont le Naraka Catana avait pu les bénir. Par ailleurs, puisqu'ils étaient tous destinés à s'aventurer sur Antiqua, au nez et à la barbe des dangers qui les y guetteraient, c'était une bonne chose que de lui montrer d'entrée de jeu un exemple de ce vers quoi il devait tendre. Nakahara n'avait pas la côte auprès de ses étudiants, c'était un fait, mais il y avait une vérité à laquelle nul ne pouvait nuire. Il avait d'ores et déjà survécu à ce continent maudit, au moins une fois, l'espace de quelques jours, de quelques semaines. Il en avait eu la chance... ou le pouvoir. Comment diable un nouveau venu pouvait-il, en ce sens, espérer lui tenir tête par ses propres moyens, sans stratégie concoctée à l'avance, ni aide apportée par nombre de ses compagnons d'infortune ?

Ce genre de leçons cruciales lui permettraient sans doute d'y voir plus clair, de mieux comprendre les rapports qui sous-tendaient toute la hiérarchie en place au sein de l'Académie Asakusa. Hiérarchie au sein de laquelle Yoshiryo venait probablement tout juste de se tailler une place de choix, un fauteuil de Roi, compte tenu de la débâcle de Shuji à laquelle il avait plus que grandement contribuée ; comme une rumeur maligne et impossible à endiguer, cette nouvelle se propagerait sûrement d'une classe à l'autre, au grand dam des racailles au sommet desquelles Katsu figurait.

L'alter-ego de Romano, qui prit donc le temps de remonter par le biais de l'une des échelles, s'en retourna donc auprès du professeur calmement, mais sans parvenir toutefois à réprimer le sourire mutin qu'il couvait généreusement. Il n'allait peut-être pas s'en tirer avec la meilleure des notes, ou le commentaire le plus élogieux... mais il n'en avait pas grand-chose à faire. Parce qu'il avait manqué de clarté dans ses directives, Nakahara leur avait donné l'opportunité de définir leurs propres priorités... ce qu'il n'avait pas manqué de faire, en répondant par ailleurs aux agissements belliqueux de Shuji. Dans le fond, il n'avait fait que réagir à une agression extérieure sur laquelle il n'avait eu initialement aucune emprise...